samedi 7 janvier 2012

Terroriste

Cela n’a beau être qu’une fiction, la lecture de ce roman donne la chair de poule, et nous remet face à une réalité : nous vivons chaque jour à la merci d’une poignée d’illuminé prête au pire au nom d’une idée, d’une croyance, ou d’un idéal. Cela  s’est, l’histoire récente regorge d’exemples.
C’est d’ailleurs en référence à l’un d’eux que John Updike a imaginé le Terroriste. Jeune homme jusque-là tranquille, issue de l’immigration (comme on le dit) et d’un double culture, intelligent, vivant avec sa mère, un beau jour dérape, et se radicalise…Jusqu’où ira-t-il ? Entre toutes les forces contradictoires qui s’exercent  sur lui, laquelle sera la plus forte ?
Si ce roman n’est pas répertorié comme un policier -et il ne l’est pas-il est, en revanche construit comme un policier tant la fièvre monte au fur et à mesure que nous avançons dans notre lecture. Et c’est le ventre noué que je lirai le dernier chapitre.
Au-delà de la tension qui s’installe, au-delà de l’envie de savoir qui tenaille, ce sont beaucoup de questions, et de réflexions qui viendront  à moi tout au long de cette lecture.
Comment en arrive-t-on là ?
Est l’absence du père qui l’a amené à ces dérives ?
« Il pensait trouver dans cette religion une trace du père magnifique qui s’est perdu juste là où commencent ses souvenirs. »
Comment un gosse né aux Etats-Unis, élevé à l’occidentale, ayant reçu un enseignement sensé en faire un être libre, lui  dispenser les outils nécessaire pour se forger son libre arbitre et sa capacité de discernement, peut en arriver à ce stade-là ?
Comment cette mère n’a-t-elle pas vu venir  les choses ?
Est-ce le cadre urbain, industriel, le mélange des populations qui puisse être incriminé ?
Comment parvient-on à autant d’obscurantisme, d’idées lapidaires, de jugements hâtifs sur les autres, de dénigrements systématiques ?
« S’amuser n’est pas important dans la vie d’un bon musulman »
Comment une religion, ici la musulmane, parvient-elle à lessiver les cerveaux, et programmer des êtres vivants à des actes pareils ?
« Le jeune homme se sait manipulé, mais cette manipulation, il l’accepte, car elle tire de lui une force sacrée. »
Que faire pour neutraliser de telles pratiques ?
Si j’ai parlé d’une religion en particulier, la force de ce livre est d’être universel .Il pourrait être transposé à d’autres époques, n’importe où sur terre, et concerner aussi bien la religion, la politique, la philosophie, la vie scientifique.
Si Ahmad est le plus cynique des personnages, tous les personnages de ce roman sont plus ou moins désabusés, signe des temps, me direz-vous. Roman  universel, ai-je dit plus haut !!
Un livre à lire donc, qui pose plus de questions qu’il n’en résout, qui fait réfléchir, douter …

Terroriste,John Updike
 Seuil (Mars 2008)/Points (Mai 2009)
315/319 pages
4ème de couverture :
Ce roman, qui se situe dans la lignée des textes consécutifs au 11 septembre 2001, déploie un troublant suspense. L'action se passe à New Prospect, une localité pauvre, proche de l'opulente Manhattan, mais comparable à nos banlieues récemment embrasées. Il y a d'abord Ahmad Mulloy, un jeune lycéen doué, fils d'une Américano-Irlandaise et abandonné par son père égyptien. Ecœuré par la soif de consommation qui asservit le pays à une réalité illusoire et déshumanisée, Ahmad se détourne de ses congénères et devient un islamiste fanatique sous l'emprise de l'imam local. Celui-ci le convainc d'interrompre ses études pour conduire des camions. Il y a Jack Levy, le juif athée, conseiller d'orientation qui repère trop tard le garçon et supplie sa mère de l'éloigner de la mosquée, de l'inciter à s'inscrire à l'université. Il y a Charlie Chehab, l'énigmatique marchand de meubles libanais qui embauche Ahmad, le prend sous son aile pour mieux le manipuler. Les fils de l'intrigue se resserrent : quel sera le choix d'Ahmad ? Il fallait un Updike, avec sa misanthropie et son dégoût de notre époque, pour livrer un portrait aussi juste de l'Amérique désemparée face à l'islam fondamentaliste.
A propos de l'auteur
John Hoyer Updike est un écrivain américain, né en 1932 en Pennsylvanie et mort en 2009, principalement connu pour sa tétralogie sur Rabbit, et pour avoir reçu deux fois le prix Pulitzer.
Après des études supérieures à Harvard, puis à la Ruskin School of Drawing and Fine Arts d'Oxford, il collabore au New Yorker dès 1955 et s'installe dans le Massachusetts en 1957.
Il a publié 22 romans et plus d'une douzaine de recueils de nouvelles, ainsi que de la poésie, des critiques littéraires et des livres pour enfants.
Il dépeint principalement "l'Amérique des petites villes, protestante et bourgeoise", et accorde une importance récurrente au sexe, à la foi, à la mort et à leurs entrelacements.
Il a montré aussi sa connaissance approfondie de la peinture moderne américaine dans son roman publié en 2006 en français sous le titre "Tu chercheras mon visage" (Seek my face, USA, 2002) dans lequel il évoque les figures de Jackson Pollock ou d'Andy Warhol.
 

Compte pour le métier ou la fonction dans le challenge petit bac 2012 organisé par Enna

Pour l'état du New Jersey dans le challenge de Sofynet 15/51 
 Challenge ABC Critiques Babélio: 21/26 [U]

3 commentaires: