samedi 4 février 2012

Du domaine des Murmures

J’avais  déjà pu apprécier l’écriture de Carole Martinez avec le cœur cousu ; avec ce second roman, j’apprécie encore plus son phrasé riche, sculpté, et cette manière si particulière de faire danser et voyager les mots. En effet, Carole Martinez n’hésite pas à emprunter tournures et expressions moyenâgeuses pour mieux coller à son propos.
Du cœur cousu, bien que radicalement différent, nous retrouvons la femme au centre du roman, ainsi que sa triste condition. Esclarmonde, est une jeune femme en avance sur son temps : elle préfère se donner un avenir funeste, plutôt que d’accepter docilement qu’on en choisisse un pour elle. C’est dans l’abnégation, et la maternité qu’elle se réalise.
« Plusieurs heures ont passé avant qu’il ne rentrât de la chasse et j’ai savouré ce délai, j’en ai grignoté chaque seconde, accrochée à Elzéar, goûtant la chaleur de sa peau contre la mienne-toucher, caresser, enlacer, comme ce contact charnel m’était doux après ces mois de séparation d’avec les corps !-guettant les sourires aux anges sur son petit visage apaisé, m’offrant ce dernier plaisir de le sentir confiant, , endormi dans mes bras, abandonné bouche entrouverte. »
« L’enfantement n’est pas seulement une torture physique, mais une peur attachée comme une pierre à une joie intense »
Le sentiment maternel ne s’est jamais départi de cette femme qui s’enterrant vivante, acquiert des pouvoirs surnaturels, et parvient de fait à régner parmi les hommes. Ses songes lui offrent la possibilité de «  voir » l’invisible….
C’est la qualité de l’écriture qui m’a tenue lors de ma lecture.  La première moitié du roman, plus axée sur la femme a mieux retenu mon attention, et mon intérêt, que les visions d’Esclarmonde à propos de son père parti en croisade. Tous les passages relatifs à ce sujet m’ont ennuyée royalement. Carole Martinez, à mon humble avis, semble s’être perdue en route, et a bien failli me perdre également ; la brièveté du roman a temporisé ma lassitude  .Assez vite, le déroulé de l’histoire part dans tous les sens, ajoutant à l’atmosphère qui tient à la fois du conte, de la légende, de la magie, une lourdeur, et une certaine incohérence qui m’a finalement assez déçue de cette lecture.
Il est difficile de rendre compte d’un roman dont on a apprécié le style, même s’il se révèle à la longue difficilement soutenable sur la durée (Et Carole Martinez a été bien inspirée de faire court, et d’éviter ainsi les quelques longueurs du cœur cousu), mais dont l’histoire ne laisse pas de marque indélébile. Carole Martinez, adoubée par les lycéens qui lui ont attribué le Goncourt, ne m’a pas convaincue, encore moins  émue .J’attendais énormément de son second livre…il me déçoit. Alors comme le souligne le mot de l’éditeur, si ce livre "emporte dans un univers singulier, et cruel", en revanche pour "la sensualité prenante " promise…c’est un peu exagéré !!!

Du domaine des Murmures, Carole Martinez
Gallimard, collection blanche ( août 2011)
200 pages
4ème de couverture :
 En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire « oui » : elle veut faire respecter son vœu de s’offrir à Dieu, contre la décision de son père, le châtelain régnant sur le domaine des Murmures. La jeune femme est emmurée dans une cellule attenante à la chapelle du château, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle pourvue de barreaux. Mais elle ne se doute pas de ce qui est entré avec elle dans sa tombe.
Loin de gagner la solitude à laquelle elle aspirait, Esclarmonde se retrouve au carrefour des vivants et des morts. Depuis son réduit, elle soufflera sa volonté sur le fief de son père et son souffle parcourra le monde jusqu'en Terre sainte.
Carole Martinez donne ici libre cours à la puissance poétique de son imagination et nous fait vivre une expérience à la fois mystique et charnelle, à la lisière du songe. Elle nous emporte dans son univers si singulier, rêveur et cruel, plein d’une sensualité prenante.



32 ème ouvrage pour le challenge de Hérisson.



1er ouvrage lu pour le challenge d'Enna.

3 commentaires:

  1. Dommage que tu n'aies pas aimé, mais on ne peut pas tout aimer, ce serait louche ! ;-)

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  2. Dommage, j'ai le coeur cousu dans ma PAL, on verra bien!

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  3. Heureusement que nous n'aimons pas tous les mêmes choses. Mais j'aime l'univers de cette auteure ce qui fait passer beaucoup de chose .J'ai adoré Le cœur cousu, qui peut avoir, je l'avoue quelques longueurs. Carole MARTINEZ doit écrire plusieurs romans sur des femmes d'époque différente

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