mardi 10 avril 2012

Le silence du bourreau


« Derrière le masque du monstre il faut s’efforcer de voir l’être humain. »
Ayant lu l’été dernier Le portail, et l’ayant apprécié, j’avais naturellement envie de m’intéresser d’un peu plus près à ce qu’avait à nous dire François Bizot à ce même sujet.
Si le portail relatait son vécu au Cambodge, ici, nous sommes dans le registre de la réflexion, du questionnement.
Il y a eu quelque chose  de dérangeant à lire ce livre, pour l’ambiguïté qui ressort  des propos de son auteur.
François Bizot, qui fut retenu au Cambodge, quelques moins en 1971, et libéré sous "l’influence favorable" de celui qui fut jugé, il y a peu pour actes de torture et de barbarie, et considéré comme responsable de milliers de mort. Douch a été le bourreau, mais aussi celui qui l’a libéré.Si l’auteur peut faire preuve d’empathie, il ‘y a aucun dédouanement de sa part.
Comment faire la part des choses ? Comment devient-on une figure du mal absolu alors qu’on a été un homme lettré, éduqué ?
Il est difficile à entendre qu’un homme puisse être ni tout à fait bon, ni tout à fait mauvais. Il est difficile à concevoir qu’en chaque bourreau, persiste une part d’humanité.
C’est à cela que François Bizot s’attèle dans cet ouvrage, fort bien écrit et documenté. Sa réflexion s’articule autour de 5 chapitres repentant chacun une période historique déterminante. La lecture n’en est pas aisée ; j’ose dire que ce n’est pas un ouvrage grand public, et qu’il est préférable d’en avoir lu auparavant le Portail pour bien s’imprégner de ce dont il est question. 

Le silence du bourreau, François Bizot
Flammarion (21/09/2012)
245 pages

 
 4ème de couverture :
1971. L'ethnologue français François Bizot est arrêté au Cambodge par les Khmers rouges : détenu pendant trois mois et condamné à mort, il est libéré grâce à l'intervention de son geôlier, un jeune révolutionnaire idéaliste du nom de Douch. 1988. En visitant l'ancien centre de torture de S21, Bizot découvre que son "libérateur" est responsable de la mort de milliers de personnes. 2003. Bizot revoit Douch pour la première fois. Un étrange dialogue se poursuit au-delà de leur rencontre, où Douch s'expose avec une sincérité déroutante. 2009. Au procès des Khmers rouges, dont Douch est à ce jour l'unique accusé, Bizot est le seul témoin convoqué par la Chambre. Dans une déposition bouleversante, dédiée à la mémoire de ses compagnons disparus, il expose la tragique interrogation qui est au centre de sa vie, comment reconnaître les crimes des bourreaux dans toute leur dimension sans mettre en cause l'homme lui-même ? Comment faire face à Douch sans nous regarder dans le miroir ? Le silence du bourreau retrace les différentes étapes du dévoilement intérieur, douloureux, jamais achevé, par lequel une innocence est perdue pour toujours. Ce récit personnel, d'une intensité égale à celle du Portail, rejoint la collection très limitée des oeuvres écrites face à l'extrême, et qui nous permettent, dans la lucidité et la terreur, d'instruire cet éternel dossier que Romain Gary appelait "l'Affaire Homme".

 A propos de l'auteur

François Bizot, né à Nancy en 1940, est un anthropologue français, spécialiste du bouddhisme de la péninsule du sud-est asiatique, à l'École française d'Extrême-Orient (EFEO).
l a vécu la guerre civile au Cambodge, pays dont il étudiait les reliques religieuses au début des années 1970. En particulier, il a été détenu en 1971 dans un camp de rééducation khmer rouge, dont il fut l'unique rescapé. Dans ce camp il a été interrogé par Kang Kek Ieu, plus connu sous le surnom de Douch, qui allait, plus tard, devenir le terrifiant et méthodique bourreau de la prison de Tuol Sleng (S-21), ancienne école située à Phnom Penh.
 
Il a également vécu de l'intérieur l'évacuation de Phnom Penh par les Khmers rouges (du 17 au 30 avril 1975), en tant qu'interprète des étrangers réfugiés en masse dans l'ambassade de France.
Il a relaté ces quelques années et ce parcours dans son livre Le Portail, récompensé par le Prix littéraire de l'armée de terre - Erwan Bergot en 2000 et le Prix des Deux Magots en 2001. Son aventure au Cambodge a aussi inspiré un film, Derrière le portail, de Jean Baronnet (2004).
 
34 ème ouvrage pour le challenge de Hérisson


 

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