mardi 21 mai 2013

Psaumes balbutiés- Livre d'heures de ma mère


« Je voudrais me souvenir de toi comme de la femme que tu étais avant  que la maladie ait commencé à tisser sa dentelle ajourée dans ton esprit, ne pas toujours buter sur cette obscurité, sur le linceul grinçant de ta douleur et ta souffrance infinie. »

Raconter la déchéance de sa mère rongée inexorablement  par la maladie d’Alzheimer peut vite sombrer dans le pathos, le glauque, ou au contraire dans le savant sans le moindre intérêt pour le lecteur qui est abreuvé à longueur de journée d’une foule de détails et d’informations.

Presque à bâtons rompus, avec des manières différentes, Erwin Mortier parvient à faire « la de la poésie » avec un sujet qui d’ordinaire ne s’y prête pas vraiment. Parce que les mots manquent à sa mère, l’auteur s’attache à mettre en mots cette fin aux allures de parcours du combattant pour chacun des membres de cette famille, et en particulier le mari qui assume vaillamment presque jusqu’au bout.

Ce texte, superbement traduit, émouvant, intériorisé, comme chuchoté, laisse transparaître tout le désarroi, et la violence qui l’étreint ; mais de manière contenue ; comme pour rendre plus acceptable cette désintégration corporelle et cérébrale qu’il est si difficile pour tout un chacun d’intégrer, ou d’imaginer.

Je remercie les éditions Fayard pour l’envoi de cet ouvrage, et l’heureuse découverte d’Erwin Mortier dont je suivrai avec attention les autres écrits.


Psaumes balbutiés -Livres d’heures de ma mère, Edwin Mortier
Fayard Avril 2013)
185 pages

4ème de couverture :

« Je m’imagine les entendre, les ravages silencieux qui se propagent dans ce corps : des cordes qui sautent, des fils qui cassent, des câbles qui craquent en chantant – le doux gémissement de poutres qui s’affaissent. Ma mère, une maison qui s’écroule lentement, un pont qui danse sous l’effet d’une secousse sismique. »
En une succession de fragments somptueux, Erwin Mortier décrit le processus de dégénérescence de sa mère. Pour celle qui était douée d’une grande sensibilité musicale, il compose des psaumes « balbutiés » qui disent la douleur de voir un être tant aimé perdre lentement son âme. Adieu vibrant à la mère, ce texte très poétique nous parle aussi de la langue, de l’écriture et du métier d’écrivain.

A propos de l’auteur :

Né en 1965 près de Gand, en Belgique, Erwin Mortier est poète, romancier et journaliste. Cinq de ses romans ont déjà été publiés en français, dont Marcel (Prix de traduction Amédée Pichot) et Sommeil des dieux, récompensé aux Pays-Bas par le prestigieux prix AKO.

 

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