dimanche 20 avril 2014

Un paradis trompeur


Si Henning Mankell a fait ses preuves dans « le policier » avec un personnage qui m’est cher, il n’en a pas moins réussi dans la fiction.

Un paradis trompeur, son dernier opus, tel Mankell partagé entre deux pays, nous embarque d’une part entre la Suède et le Mozambique, mais surtout au cœur de l’histoire coloniale de ce petit bout d’Afrique orientale.

C’est l’histoire d’Hanna qui nous est contée ; une histoire pas banale du tout, basée sur des éléments véridiques dont s’est inspiré Henning Mankell fin connaisseur ce  pays.

Au travers de ce parcours atypique d’une blanche, suédoise faisant irruption dans un monde lusophone où blancs et noirs se défient mutuellement, Henning Mankell veut nous interpeller sur un système colonial fait d’injustices, de violence, et de rabaissement. Hannah se sent bien seule, et désemparée. D’un naturel humain et généreux, elle a toutes les peines du monde à se faire aux us et coutumes. Ses filles travaillant dans son bordel, trouveront en elle une vraie mère (maquerelle, peut-être, mais infiniment bonne et protectrice)

« Elle vivait sur un continent triste, où les seuls à rire, et souvent bien trop fort, étaient les Blancs. Mais ce rire, elle le savait, n’était qu’une façon de cacher une peur qui se transformait  facilement en terreur. »

Cette femme est attachante. Deux fois veuve, c’est dans le  tendre souvenir de son premier mari qu’elle  se love, alors que le second la rendue très riche. Mais c’est auprès d’un singe qu’elle trouvera le plus de force. Henning Mankell nous livre à la fin de son ouvrage des moments beaux et émouvant à l’évocation de Carlos, ce singe plus humain que singe.

«  Sur ce continent troublant et contradictoire, elle avait finalement pu faire confiance qu’à un singe. »

Si l’écriture d’Henning Mankell est simple, elle parvient à faire ressortir l’ambiance lourde, et le fossé entre les deux communautés qui ne parviennent pas à se comprendre, et à vivre ensemble.

D’un continent à l’autre, la misère a le même visage. Les époques changent, les trajets pour la fuir, aussi. Mais au fond, rien ne change : les hommes ont toujours autant de mal à s’accepter.

Et si j’ai trouvé que le cœur du roman avait un peu tendance à s’essouffler peu, au point d’éprouver comme une nostalgie de ses autres romans, le dernier tiers reprend du nerf pour parvenir à une fin touchante. 

Un paradis trompeur, Henning Mankell
Seuil, Octobre 2013
375 pages
 

4ème de couverture :

Le froid et la misère ont marqué l’enfance de Hanna Renström dans un hameau au nord de la Suède. En avril 1904, à l’âge de dix-huit ans, elle s’embarque sur un vapeur en partance pour l’Australie dans l’espoir d’une vie meilleure. Pourtant aucune de ses attentes, ou de ses craintes, ne la prépare à son destin. Deux fois mariée brièvement, deux fois veuve, elle se retrouve à la tête d’une grosse fortune et d’un bordel au Mozambique, dans l’Afrique orientale portugaise. Elle se sent seule en tant que femme au sein d’une société coloniale régie par la suprématie machiste des Blancs, seule de par la couleur de sa peau parmi les prostituées noires, seule face à la ségrégation, au racisme, à la haine, et à la peur de l’autre qui habite les Blancs comme les Noirs, et qui définit tout rapport humain. Ce paradis loin de son village natal n’est-il qu’un monde de ténèbres ?
A propos de l’auteur :

Henning Mankell, né en 1948, partage sa vie entre la Suède et le Mozambique. Lauréat de nombreux prix littéraires, outre la célèbre « série Wallander » il est dramaturge et auteur de romans sur l'Afrique et pour la jeunesse.
 

1 commentaire:

  1. Un très bon roman de Mankell pour moi. Je suis contente que tu l'ais aimé.

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