mercredi 20 août 2014

Les mots qu'on ne me dit pas



« Ce sont les autres qui regardent les parents comme s’ils étaient débiles.
Ce sont les autres qui pensent qu’avoir des parents sourds, c’est dramatique.
Pas moi.
Pour moi, c’est pas grave, c’est normal, c’est ma vie. »

Oui, c’est sa vie, que de vivre avec des parents sourds et muets, alors qu’elle ne l’est pas. Et si ça n’est pas dramatique, l’affaire n’en est pas moins banale. Bien entendu elle aime profondément ses parents, ne supporte pas le regard différents que l’on porte sur eux, les préjugés que les autres ont bien ancrés. Mais son ressenti n’en est pas moins ambiguë.

« J’oscille entre fierté, honte et colère.
A longueur de temps. »
Avant de faire l’expérience de l’oral, la petite fille lit.  «  Je dévore les mots qu’on ne me dit pas. »
Pas facile de se construire les sens au milieu de parents amputés d’une partie des leurs….

« J’envie les copines dont les parents sont normaux et qui ont la chance de communiquer avec eux par la parole.
Je veux des parents qui parlent, qui Me parlent, qui entendent, qui M’écoutent. »

Difficile de crier son amour pour ses parents alors qu’une partie de soi les voudrait si différents, et que l’autre partie comprend qu’il ne peut en être autrement, et qu’ailleurs, ça n’est pas forcément meilleur même quand on se parle.

Pas facile de faire face aux bruits des sourds qui ne se rendent pas compte.

Elle fait l’apprentissage d’un langage qui n’est pas le sien, et dont elle découvre à la fois la poésie, et la crudité.

« La langue des signes est la langue la plus crue que je connaisse. Les sourds s’expriment de façon simple, directe et brutale.»

C’est d’ailleurs ainsi que Véronique Poulain s’exprime dans ce roman. Le style y est sec, saccadé, direct. La langue est proche de l’oralité ; un peu comme le serait la gestuelle d’un sourd et muet.

Derrière le désarroi d’une petite fille comme les autres, vivant avec des parents pas tout  à fait comme les autres,  ce roman est un tendre hommage d’une fille à son père, Jean-Claude Poulain qui a beaucoup œuvré pour le développement de la LSF.

Ce court et intense roman m’a laissé une forte impression, et prend une place de choix parmi les quelques nouveautés de cette rentrée 2014 que j’ai eu la chance de lire un peu avant tout le monde.


Les mots qu’on ne me dit pas, Véronique Poulain
Stock, Août 2014
144 pages



4ème de couverture :

« “ Salut, bande d’enculés ! ”
C’est comme ça que je salue mes parents quand je rentre à la maison.
Mes copains me croient jamais quand je leur dis qu’ils sont sourds.
Je vais leur prouver que je dis vrai.
“ Salut, bande d’enculés ! ” Et ma mère vient m’embrasser tendrement. »


Sans tabou, avec un humour corrosif, elle raconte.
Son père, sourd-muet.
Sa mère, sourde-muette.
L’oncle Guy, sourd lui aussi, comme un pot.
Le quotidien.
Les sorties.
Les vacances.
Le sexe.
D’un écartèlement entre deux mondes, elle fait une richesse. De ce qui aurait pu être un drame, une comédie.
D’une famille différente, un livre pas comme les autres.

A propos de l’auteur :

Véronique Poulain travaille dans le spectacle vivant. Elle fut pendant quinze ans l’assistante personnelle de Guy Bedos. Les mots qu’on ne me dit pas est son premier livre.

 Lu comme lecteur VIP pour l'opération coup de coeur d'entrée Livre

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