dimanche 9 août 2015

Récits des marais rwandais( Dans le nu de la vie- Une saison de machettes-La stratégie des antilopes)



« Quand il y a eu un génocide, il peut y en avoir d’autre, n’importe quand à l’avenir, n’importe où, au Rwanda ou ailleurs ; si la cause est toujours là et qu’on ne la connait pas. »

Le génocide rwandais est récent à l’échelle du temps. Si des auteurs rwandais se sont déjà "emparés" des évènements pour la fiction, les historiens en sont encore aux balbutiements.
Jean Hatzfeld, journaliste mène depuis des années un travail d’investigation au cœur des marais rwandais où ont eu lieu les massacres tant auprès des victimes, des assassins que des descendants de victimes.
Trois ouvrages parus respectivement en 2000, 2003, et 2007 ont été réunis en un seul volume. Et c’est une excellente idée.
Englebert des colline suivra en 2014, puis Un papa de sang prochainement chez Gallimard ( cf. mon avis de lecture dès parution).
Trouver en un seul volume permet au lecteur de lire dans la foulée des ouvrages qui pris séparément auraient pu être dépassés par d’autres.
Parce que j’avais fait la connaissance d’Englebert, et que surtout qu’il m’a été donné l’occasion de lire la suite  (sans qu’il soit impératif de suivre la chronologie) des premiers ouvrages, j’ai fortement souhaité approfondir le sujet, rarement traité par ailleurs.

Il faut saluer l’énorme travail d’investigation, et de préparation de l’auteur, ainsi que son engagement humain auprès d’hommes et de femmes auxquels il cède le devant de la scène pour se livrer avec  un naturel et  une sincérité qui émeut d’emblée.

Si les témoignages des rescapés sont souvent poignant tant pas la teneur de leurs propos et de l’atrocités des faits, que par l’esprit de sagesse qui s’en dégage, j’ai été  encore plus interpellés par la parole des assassins, la facilité avec laquelle chacun d’entre nous peut sombrer du mauvais côté, et surtout l’étrange sentiment d’impuissance et de fatalisme qui ressort de ces derniers.

« Dans le marais il suffisait de fouiller et de tuer jusqu’au coup de sifflet final. »

« Pendant les tueries, je ne considérais plus rien de particulier dans la personne tutsie, sauf qu’elle devait être supprimée. »

Au-delà des témoignages, et veillant à se mettre l moins possible en avant, Jean Hatzfeld se veut aussi "pédagogue" en établissant les similitudes et différences avec la Shoah. Peu importe le nombre, et les moyens employés, un génocide reste un génocide.

La troisième partie du travail de Jean Hatzfel est consacré à l’après, et à l’inévitable retour des bourreaux au milieu des survivants. Les récits des uns et des autres montrent l’impossible pardon, le nécessaire travail de surpassement pour continuer à vivre, mais surtout l’extrême fragilité des choses quand chacun se voit contraint de cohabiter avec l’autre…
Voilà une lecture poignante, instructive à plus d’un titre ; trois ouvrages construits avec intelligence, écrit avec élégance, et chose rare avec toute la retenue de son auteur qui a su rester en retrait chaque fois qu’il le fallait.
Un livre qui ne se laissera pas oublier de sitôt.

Récits des marais rwandais, Jean Hatzfeld
Seuils, Mars 2014
704 pages


4ème de couverture :


En trois livres d’une portée internationale, Jean Hatzfeld a écrit un triptyque du génocide tutsi perpétré au Rwanda en 1994, et cet ensemble est proposé pour la première fois en un seul volume, afin de faire apparaître l’ampleur et l’articulation de cette œuvre d’écoute et d’interrogation.

Le premier tome (Dans le nu de la vie), paru en 2000, s’intéresse aux rescapés tutsis, le deuxième (Une saison de machettes, 2003) aux tueurs hutus, et le troisième (La stratégie des antilopes, 2007) raconte le vertigineux voisinage, aujourd’hui, des uns et des autres revenus sur leurs collines.

Récits des marais rwandais est issu de nombreux séjours, effectués au cours d’une dizaine d’années, dans une seule et même bourgade, Nyamata, et ses hameaux bordés de marais et de forêts, lieux des massacres. En tissant au fil des ans un lien patient, jamais rompu, avec vingt-six interlocutrices et interlocuteurs appartenant aux deux communautés, en multipliant non sans obstination ses interrogations avec eux, et en réalisant un travail d’écriture sur la langue et le souvenir à partir de ces récits, Jean Hatzfeld a constitué un univers génocidaire d’une dimension exceptionnelle, dont l’écho nous habite durablement.
A propos de l’auteur :
Journaliste et écrivain né en 1948, il a séjourné plusieurs mois au Rwanda depuis le génocide et plus précisément sur les collines de Nyamata où il a recueilli les témoignages des rescapés et écrit Dans le nu de la vie, récits des marais rwandais (prix France-Culture, 2000). Il a aussi publié un récit, L'Air de la guerre (prix Novembre, 1994), et un roman, La Guerre au bord du fleuve (1999).
Autre ouvrages:

*Où en est la nuit ( Gallimard, 2011)
*Robert Mitchum ne revient pas (Gallimard , 2013)
*Englebert des collines (Gallimard, 2014)
*Un papa de sang ( à paraître en 2015 chez Gallimard)

*Une saison de Machettes (Seuil, 2003; Prix fémina essai 2003)
*La ligne de flottaison (Seuil, 2005)
*La stratégie des antilopes (Seuil, 2007; Prix Médicis 2007, Ryszard Kapuscinski Prize 2009)
 Pour le challenge d' Enna, catégorie objet(3ème ligne)

 15/24


 Pour le challenge de Bianca.




 Pour le challenge de Brize.

1 commentaire:

  1. Je ne connaissais pas ce volume mais j'avais entendu parler de "La stratégie des antilopes". La démarche de l'auteur force le respect et, lorsque je lis ton commentaire, je me dis qu'il faudra qu'un jour j'aie le courage de me plonger dans ce recueil ...

    RépondreSupprimer