mercredi 20 juillet 2011

Pleure, ô pays bien-aimé

Le Révérend Stephen Koumalo, pasteur noir d'un petit village d'Afrique du Sud, a plusieurs parents à Johannesburg: son frère John, le menuisier, sa sueur cadette, Gertrude, partie avec son petit garçon à la recherche de son mari, et son fils unique, Absalon. Sur la foi d'une lettre qui l'appelle auprès de Gertrude, Koumalo se rend à Johannesburg et découvre la réalité brutale de l'apartheid, de la misère et de la déchéance qui règnent parmi les Noirs transplantés dans la grande ville.
Son frère John est devenu un homme politique en vue, luttant pour la libération de ses compagnons de race. Gertrude mène une vie dissolue, à la limite de la prostitution.
De longues et pénibles recherches conduisent enfin Koumalo jusqu'à son fils Absalon. Pour avoir tué, lors d'un cambriolage, celui-ci attend son jugement dans un pénitencier. Au terme d'un pèlerinage aux sources de la détresse et de l'injustice, le pasteur rentrera au village, n'emmenant ni John, ni Gertrude mais seulement la femme de son fils, dont l'exécution est imminente. Témoignage émouvant sur les rapports entre la minorité blanche et la majorité opprimée des gens de couleur, l'oeuvre d'Alan Paton a parfois été considérée comme La Case de l'Oncle Tom de l'Afrique du Sud.

« Ah ! pleurez sur l’homme qui est mort, sur la femme et les enfants en deuil. Pleure, ô pays bien-aimé, ces choses ne sont pas près de finir. Le soleil se répand sur la terre, sur le beau pays dont l’homme ne sait pas jouir. L’homme ne connaît que l’effroi de son cœur. »

J’ai ce titre dans mon inconscient depuis l’adolescence ; je l’avais vu passer, en avait entendu parler….et puis plus rien. Pas moyen de remettre la main dessus. Il n’est plus édité depuis longtemps ; les libraires en ont les bras qui tombent à l’évocation du titre " Ma pauvre dame, il ne se lit plus depuis longtemps, il est épuisé…"Alors mon exemplaire est vieux, le graphisme du livre est d’un autre âge, les feuilles sont jaunies, et il sent bon le vieux livre.

Alan Paton signe là un très beau roman. Si sa structure est très classique, linéaire, parfois un peu désuète lorsque, comme moi, on lit plutôt du moderne, son contenu est on ne peut plus d’actualité. Certes l’Afrique du Sud s’est débarrassée de l’Apartheid, mais les clivages qui se révèlent dans ce livre trouvent encore écho dans notre monde. Bien qu’écrit  il y a 60 ans, on y retrouve tous les maux actuels de ce pays, mais l’auteur nous y livre tous ses espoirs.

« Je ne vois qu’un espoir pour notre pays et il sera réalisé quand les hommes blancs et les hommes noirs, n’aspirant ni au pouvoir ni à l’argent, désirant seulement le bien de leur pays, s’uniront pour y travailler. » Ceci est écrit en 1948……

Alan Paton, donne beaucoup d’humanité à ses personnages, en particulier au Révérend Koumalo qui accepte sa condition  d’homme de couleur dans un pays qui ne les aime pas bien que majoritaires, et sa condition d’homme d’Eglise tout à son sacerdoce et à la défense des siens, qu’ils soient noirs ou blancs.
S’il n’occulte pas le problème croissant des villes  où la violence, le crime et les heurts entre communauté se multiplient, l’auteur fait la part belle à la vie paisible des grandes plaines où blancs et noirs vient plus intelligemment. Certains, comme Arthur Jarvis, seront même en avance sur leur temps.

La langue a le charme d’autrefois, et si certaines élocutions peuvent choquer de nos jours, il faut les remettre dans le contexte historique.
Homme blanc ; indigène
Le contexte politico –économique est bien évoqué. L’époque est au développement minier. Le climat social importe peu, pourvu qu’il y ait des bras pour exploiter le sous-sol qui regorge de richesse.
La vie et l’engagement d’Alan Paton sont étroitement liés à l’humanité qui se dégage de ce très bon roman qui laissera son empreinte.

Alan Paton-Le livre de poche (édition épuisée)-430 pages
Alan Stewart Paton (11 janvier 1903 – 12 avril 1988) est un écrivain et un homme politique sud-africain, fondateur du parti libéral d'Afrique du Sud.
Il est né dans la province du Natal, aujourd'hui appelée KwaZulu-Natal. Sa famille descendait des colons anglais en Afrique du Sud. Ses parents appartenaient à la communauté religieuse protestante des christadelphians. Alan Paton obtint à l'université du Natal une licence de sciences ainsi qu'un diplôme d'enseignement.
Il devint enseignant en lycée, puis, de 1935 à 1948, proviseur d'un centre de rééducation pour mineurs délinquants. Il y introduisit des réformes progressistes en assouplissant les conditions de vie et en proposant toutes sortes de permissions en cas de bonne conduite : dortoirs plus ouverts, autorisation de travail hors du centre. Il autorisa aussi l'hébergement dans des familles d'accueil avec contrôle par l'institution.
Alan Paton voulut s'engager lors de la Seconde Guerre mondiale mais fut réformé. Il décida alors de voyager, à ses propres frais, pour découvrir les systèmes éducatifs étrangers et tout particulièrement leurs centres de rééducation. Il visita ainsi une partie de l'Europe et les États-Unis. Lors de son passage en Norvège, il commença à écrire son premier roman, Pleure, ô pays bien-aimé. Il en finit l'écriture fin 1946 à San Francisco, où il rencontra également son éditeur.
Rentré au pays en 1947, il fonda en 1953 le parti libéral sud-africain qui militait pacifiquement contre l'apartheid fraîchement instauré. Il en resta président jusqu'à sa dissolution en 1968, la loi interdisant alors les partis multi-raciaux.
Il prit sa retraite à Botha's Hill, dans sa province natale, où il mourut le 12 avril 1988.

Challenge ABC/Babélio 22/26 [P]
Challenge 26 auteurs/26 livres 16/26 [P]

6 commentaires:

  1. Je l'ai lu quand j'étais ado, j'avais beaucoup aimé.

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  2. Le titre m'a interpellé, j'ai hésité...
    Après ton commentaire, je ne peux résister.
    (As tu eu l'occasion de lire le nouveau livre de Sofi Oksanen?)

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  3. C'est un très beau livre, si tu le trouves, n'hésite pas ...Il n'est plus édité

    Non Malo, pas encore, il ne sort qu'à la rentrée...et ne faisait pas partie des livres que j'ai eu en avant première.....j'ai eu des échos moyens....
    dès le 17 ou le 18 j'ai des avis de livres de la rentrée qui vont être publiés.....et d'autre le 24.....

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  4. J'ai trouvé par hasard une édition limitée de cet ouvrage chez un libraire. Je l'ai acheté sans connaître l'histoire, juste pour la beauté de la couverture (aucun résumé en 4e de couv). Juste en objet de collection. Puis je l'ai ouvert et je le dévore. Un magnifique livre qui accompagne mes soirées depuis 2 jours.

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  5. Bonjour

    Mon père, sexagénaire, l'a lu adolescent et en a été profondément touché
    Ce livre entre mes mains aujourd'hui a été précieusement conservé, même couverture que celui présenté ci-dessus (édition Albin Michel, 1950)

    Le titre attrayant pour son côté pathétique révèle un contenu bouleversant.

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