dimanche 24 septembre 2023

Blackwood



 Mickael Farris Smith est l’écrivain des oubliés, des sans grades, des ruraux, un écrivain du sud. Colburn est de ceux-ci ; il revient au pays après l’avoir quitté durant quelques années, fuyant une enfance minable ponctué par le suicide de son père. Il est un peu bricoleur, sculpteur de ferraille dans son coin.

Dans les parages, une vieille cadillac, et des occupants pas très inspirants qui font causer…

Et puis il y a Célia, le rayon de soleil du bled ; serveuse de bar, jolie comme un cœur.

Un équilibre un peu précaire que la disparition de jumeaux va méchamment perturber.

L’auteur fait entrer son lecteur dans une atmosphère particulièrement poisseuse et inquiétante. La violence recouvre chaque parcelle de vie à l’image de cette herbe invasive, le Kudzu qui tapisse et étouffe les lieux. Cette atmosphère est parfaitement rendue par l’auteur, dans ce roman qui ne comporte aucun effet d’esbroufe, et dont l’écriture n’est que langueur et retenue. C’est à pas feutrés que l’on entre dans cette histoire et que l’on découvre pas à pas.

J’avais beaucoup apprécié les précédents opus ; celui-ci ne m’a pas déplu, loin s’en faut, mais me m’a pas pour autant particulièrement parlé ; sans doute parce qu’un peu trop obscure pour moi, et que de fait, il m’a toujours tenue un peu à la marge.

Blackwood de Michael Farris Smith, traduit de l’américain par Fabrice Pointeau aux éditions Sonatine (Avril 2021,285 pages) et 10/18 (2022,265 pages)

Michael Farris Smith est nouvelliste et romancier. Il a longtemps vécu à l'étranger, en France et en Suisse.

Il est titulaire d'un doctorat (Ph.D.) de l'University of Southern Mississippi.

Il a été professeur associé d'anglais au département de langues, littérature et philosophie à la Mississippi University for Women à Columbus.

Si ses voyages en France et en Suisse inspirent son premier roman, "The Hands of Strangers" (2011), son second livre, "Une pluie sans fin" (Rivers, 2013), un récit post apocalyptique, a été salué pour l’originalité et l’intensité de sa langue.

Avec son nouveau roman "Nulle part sur la terre", Michael Farris Smith continue de construire une vision littéraire unique, dépositaire de toute l'aridité, la poésie et l'humanité qui rythme l’existence sudiste.

Il vit à Oxford, Mississippi, avec sa femme et ses deux filles.


 

mardi 19 septembre 2023

Nos coeurs disparus

 

États-Unis, quelques années plus tard……Le PACT est en vigueur, autrement dit une loi qui limite drastiquement les libertés des étrangers ou ceux qui en ont l’air. Les citoyens d’origine chinoises sont particulièrement concernés car fortement soupçonnés d’antipatriotisme.

C’est ce qui arrive à Margaret Miu poétesse parfaitement intégrée qui disparait du jour au lendemain pour échapper à répression. Elle laisse son fils Bird et son papa, eux aussi obligées de s’adapter et surtout à redoubler de vigilance.

Un jour Bird reçoit une lettre mystérieuse et codée…Bird est un enfant intelligent, perspicace et opiniâtre. Il se rend assez vite compte qu’il n’est pas seul. Un réseau de bibliothécaire s’est organisé pour aider les enfants qui n’ont pas eu les mêmes chances que lui, et ont été retirés à leurs parents considérés par le pouvoir comme inaptes à les éduquer.

Ce roman dystopique va nous conduire sur les traces d’un fils à la recherche de sa maman, mais également d’un petit garçon qui va découvrir le pouvoir des mots et des livres dans un contexte d’emprise. Bird fait très tôt l’expérience de la résistance silencieuse, du totalitarisme, et de la peur. Un enfant qui devient adulte très vite tout en gardant son âme d’enfant….

J’ai beaucoup aimé la construction de ce roman, dans lequel l’auteur multiplie les points de vue. J’ai apprécié la finesse avec laquelle elle analyse ses personnages, le soin qu’elle met à donner à son roman une note d’espoir dans un contexte particulièrement sombre et désespérant. Son écriture est à la fois simple, sans ostentation, tantôt percutante, tantôt émouvante, élégante et lumineuse.

Ce roman est une fiction…Et pourtant il est d’un réalisme inquiétant parce beaucoup de choses partent d’infimes éléments ayant existé, et qui sous certaines circonstances pourraient en s’agrégeant devenir réalité !!

Nos cœurs disparus de Celeste NG, traduit de l’américain par Julie Sibony aux éditions Sonatine (Août 2023, 375 pages).

Celeste Ng est une romancière et nouvelliste née en 1980 en Pennsylvanie.

Originaires de Hong Kong, ses parents se sont installés aux États-Unis à la fin des années soixante. Son père, physicien, a travaillé au Glenn Research Center et sa mère, chimiste, a enseigné à l'Université d'État de Cleveland.

Celeste obtient un B.A. d'anglais à l'Université Harvard en 2002, puis un M.F.A. en écriture à l'Université du Michigan où elle a été lauréate du prix Hopwood pour sa nouvelle "What Passes Over".

La nouvelle "Girls at Play" a obtenu le prix Pushcart en 2012.

Son premier roman, "Tout ce qu'on ne s'est jamais dit" ("Everything I Never Told You", 2014) a été récompensé par le Prix Alex et le Massachusetts Book Award en 2015, et en France par le prix Relay des voyageurs lecteurs 2016.

Avec son deuxième roman, "La saison des feux" ("Little Fires Everywhere", 2017), elle confirme son talent exceptionnel. En 2020, il a été adapté en mini-série produite et jouée par Reese Witherspoon et Kerry Washington.

Dans son travail, Celeste Ng soulève de nombreuses questions identitaires et sociales, s’intéressant de très près à la question de la condition féminine mais également à la notion d’héritage culturel et à l’anxiété qui habite les enfants issus de l’immigration.

Celeste Ng vit à Cambridge, dans le Massachusetts, avec son mari et son fils.



 

dimanche 17 septembre 2023

La Vénus au parapluie

 

C’est l’histoire d’un coup de foudre dans une file d’attente de cinéma. Lui, attend sous une pluie battante, elle, l’abrite sous son parapluie providentiel. Ils sont côte à côte dans la salle….

Sur fond de cinéphilie véritable, Thibaud Gaudry nous entraine dans une comédie rafraichissante et originale loin des habituels sujets racoleurs qui reviennent inlassablement à chaque rentrée littéraire ! Rien que pour échapper à ces sujets, la lecture de ce livre fait du bien.

Bien écrit, ironique, et souvent dôle, ce court roman se laisse lire, et distrait le lecteur sans que ce dernier n’ai à se poser de grandes questions métaphysiques. Ce ne sera pas le roman du siècle ; je ne sais pas trop ce qu’il m’en restera dans quelques temps, mais j’en retiendrai qu’il fût plaisant à lire, et pas aussi niais qu’il en a l’air !

La Vénus au parapluie de Thibaud Gaudry, au éditions Buchet-Chastel (Août 2023, 176 pages)


Après s'être livré à moult activités, ramasseur de feuilles mortes en Bourgogne, plongeur à Londres, postier à Barbès, avoir tenté d'inculquer les plaisirs de la lecture et de l'écriture à des milliers d'enfants sur une île bretonne, s'inoculant lui-même le virus par mégarde, Thibaud Gaudry se cache depuis bientôt 20 ans dans un studio de radio en Provence


 

mercredi 13 septembre 2023

Les derniers indiens


Ce court roman occupe la troisième place dans la bibliographie de Marie-Hélène Lafon. Il est donc ancien, et pourtant il n’a rien d’une œuvre de débutante ! Nous sommes dans le Cantal, sur une terre qui sera pour l’auteur son terreau nourricier, sa matrice pour ses romans.

Les Santoire vivent dans cette maison depuis quatre générations. Marie et son frère Jean ne se sont pas mariés, ils perpétuent ce que la mère, le père, et avant eux les parents de la mère (visiblement, ce sont les femmes qui portent la culotte, conservent leur nom…). La mère a durablement imprimé sa marque, ses principes, ses silences, et ses mystères aussi ; celles et ceux qui arriveront au dernier paragraphe me comprendront….

Rien ne bouge dans cette maison, le temps s’écoule sans que ces derniers se sentent concernés ; ils ont leurs habitudes, leurs manies ; ils semblent réellement d’un autre monde. Après eux, il n’y aura rien, ni personne ; ils n’ont pas d’enfants ; ce sont les derniers de la lignée ; les derniers indiens !

 En face de chez eux, il y a les voisins, radicalement différents. Ils vivent eux. Alors forcément ça cause, ça cogite.

Marie-Hélène Lafon dessine avec précision les contours d dernier maillon d’une lignée familiale voué à disparaître, emportant avec elle les derniers relents d’un autre temps, d’une histoire révolue, d’une paysannerie d’autrefois. Il y a beaucoup de mélancolie dans ce court et lumineux roman.

Décidément j’apprécie de plus en plus l’écriture de Marie-Hélène Lafon, qui dans des phrases courtes, ciselée, travaillées parvient parfaitement à camper le décor de ses histoires, insuffler une atmosphère sans jamais donner à son lecteur l’impression de tournée en rond. Nul besoin pour elle de diluer son propos, elle va droit au but, ne tergiverse pas, non sans avoir le talent de laisser le lecteur deviner les choses sans les dire.

Les personnages de Marie-Hélène Lafon ne s’oublient pas ; ils nous touchent autant qu’ils nous échappent ; Elle a fait de la mère pourtant morte, la figure tutélaire plus vivante que jamais.

Les derniers indiens de Marie-Hélène Lafon, aux éditions Buchet-Chastel (Janvier 2008,208 pages, rééditions en 2022) et Folio (2009 ,170 pages).

Marie-Hélène Lafon est une professeure agrégée et écrivaine française née en 1962.

Née dans une famille de paysans, elle est élève à l'Institution Saint-Joseph (collège) puis à La Présentation Notre-Dame (lycée) deux pensionnats religieux de Saint-Flour.

Elle part ensuite étudier à Paris, à la Sorbonne, où elle obtient une maîtrise de latin et le CAPES de lettres modernes. Elle obtient également un Diplôme d'études approfondies (DEA) à l'Université Paris III-Sorbonne Nouvelle puis un doctorat de littérature à l'Université Paris VII-Denis Diderot.

Elle devient agrégée de grammaire en 1987. Elle enseigne le français, le latin et le grec dans le collège Saint-Exupéry, Paris 14e, en banlieue parisienne, dans un collège situé en Zone d’Éducation Prioritaire, puis à Paris, où elle vit.

Elle commence à écrire en 1996, à 34 ans. Son premier roman "Le soir du chien" (2001) est récompensé par le prix Renaudot des lycéens en 2001.

Elle avait précédemment écrit des nouvelles - pour lesquelles elle ne trouvait pas d'éditeur - dont "Liturgie", "Alphonse et Jeanne", qui seront publiées l'année suivante dans le recueil "Liturgie" (2002), récompensé par le prix Renaissance de la Nouvelle en 2003.

Elle préside le prix littéraire des lycéens de Compiègne en 2003-2004.

Lauréate de nombreux prix, Marie-Hélène Lafon obtient le Prix du Style 2012 pour "Les Pays" et le Prix Goncourt de la nouvelle en 2016 pour "Histoires". Elle reçoit le Prix Renaudot 2020, pour son roman "Histoire du fils" Nos vies, en 2017 ; Joseph en 2014 ; Les sources en 2023 ;

Célibataire et sans enfant, son département d'origine, le Cantal, et sa rivière, la Saintoire, sont le décor de la majorité de ses romans.