vendredi 6 décembre 2024

Les deux visages du monde

 

David Joy, découvert dès son premier roman est de ceux, assez rares finalement, dont j’attends avec impatience le prochain opus. Il n’a pas son pareil pour nous parler d’une certaine Amérique, celle de l’intérieur, celle des anonymes, des petits, celle qui va mal aussi, celle où surgissent encore et toujours ses fantômes.

David Joy est un écrivain qui prend son temps, prend soin de balader son lecteur et le faire douter, et l’engager du de fausses pistes. A ce propos, la traduction littérale titre original était (à mon sens) nettement plus éloquente que le titre français.

Toya est une artiste afro-américaine ; au moment de son art elle milite activement contre le passé esclavagiste de son pays. C’est sans compter sur le Klan qui rôde, et cache à peine ses intentions et surtout ses idées suprématistes. Dans cette petite ville où presque tout le monde se connait, la pagaille s’installe, le sang coule. Mais las apparences sont trompeuses, et le lecteur ne perd rien à attendre que David Joy déroule sa pelote parsemée de personnages campés à perfection. Le tout dans une Amérique de nulle part, celle des invisibles, des secrets de famille, et des secrets tout court.

Un roman noir parfaitement dosé, bien construit, et qui démontre la montée en puissance d’un auteur déjà si prometteur à ses débuts !

Les deux visages du monde de David Joy, traduit de l’américain par Jean -Yves Cotté, aux édition Sonatine (Août 2024, 430 pages)

David Joy est un écrivain et nouvelliste américain né en Caroline du nord.

Titulaire d’une licence d’anglais obtenue avec mention à la Western Carolina University, il y poursuit naturellement ses études avec un master spécialisé dans les métiers de l’écrit. Il a pour professeur Ron Rash (1953), qui l’accompagnera et l’encouragera dans son parcours d’écrivain. Après quelques années d’enseignement, David Joy reçoit une bourse d’artiste du Conseil des arts de la Caroline du Nord.

Son premier roman, "Là où les lumières se perdent" ("Where All Light Tends to Go", 2015), remporte un franc succès et est finaliste du prix Edgar du meilleur premier roman en 2016. Il reçoit le Prix Hammett en 2020 pour "Nos vies en flammes" ("When These Mountains Burn").

David Joy vit aujourd’hui à Webster, en Caroline du Nord, au beau milieu des Blue Ridge Mountains, et partage son temps entre l’écriture, la chasse, la pêche et les travaux manuels.

samedi 30 novembre 2024

Madelaine avant l'aube

 

Inutile de cherchez à savoir où nous emmène Sandrine Collette, ni quand. Cette histoire a pour cadre un hameau reculé, habité de pauvres gens, très pauvres, rustiques, durs à la tâche car leur survie en dépend. Il fait si froid, et grand -faim dans ce bout de campagne au bout de nulle part. Dans les environs sévit le Maître, le seigneur des lieux, et aussi son fils qu’aucune femme ne doit croiser sous peine de passer une très, très sale quart d’heure.

Dans cet environnement aussi hostile qu’archaïque surgit Madelaine, la sauvageonne, la femme libre, l’effrontée, la courageuse, l’indomptable et indomptée, l’inadaptée à ce monde où chacun se doit de courber l’échine pour défendre son bout de gras, et sa couche de paille.

Inutile d’en dire plus, il est temps maintenant de plonger dans l’univers impitoyable de Sandrine Collette, de goûter (si ça n’est pas déjà fait avec ses autres romans) à son écriture si incisive, si précise. Les phrases claquent comme l’épée du fils du seigneur. Il n’y a pas de gras, rien de trop dans cette histoire cruelle, et d’une noirceur à peine croyable. Sandrine Collette dresse le portrait sans concessions d’une femme que rien n’arrête. Magistral !

Madelaine avant l’aube n’a pas eu le Goncourt ; elle l’aurait mérité, mais cette année il y avait du lourd dans le dernier carré. Néanmoins, Sandrine Collette ne perd pas au change, puis que les lycéens lui ont donné ce Goncourt si précieux car décerné par la jeunesse qui lit, qui a du courage et a très bon goût. Bravo les jeunes !!

L'avis de Cassiopée 

Madelaine avant l’aube de Sandrine Colette aux éditions JC Lattès (Août 2024, 260 pages)

 

Romancière française, elle partage son temps entre la région parisienne et son élevage de chevaux dans le Morvan.

Bac littéraire, Master en philosophie et doctorat en science politique. Thèse (1999) : « De la loterie nationale à la française des jeux (1933-1998) : contribution à une sociologie de l'état moderne. »

Chargée de cours à l'Université de Nanterre, consultante à mi-temps dans un bureau de conseil en ressources humaines; elle restaure des maisons en Champagne puis dans le Morvan.

Elle compose une fiction et adresse son manuscrit aux éditions Denoël. Il s’agit "Des nœuds d'acier", publié en 2013, premier roman rencontre qui un succès critique et public : 20 000 exemplaires vendus, et le "Grand Prix de littérature policière" ainsi que le "Prix littéraire des lycéens et apprentis de Bourgogne".

Second roman en 2014 "Un vent de cendres", ( chez Denoël, qui revisite le conte "La Belle et la Bête".

2015 : devenue l'un des grands noms du thriller français, une fois encore, elle montre son savoir-faire imparable dans "Six fourmis blanches".

"Il reste la poussière" obtient en 2016 le Prix Landerneau du polar.

En 2017 paraît "Les larmes noires sur la terre".

Son huitième roman, "Et toujours les forêts", une fiction post-apocalyptique, a été récompensé, en 2020, par le prix de La Closerie des Lilas, le prix Amerigo Vespucci 2020 et le grand prix RTL-Lire.

Elle reçoit en 2022 le prix Jean Giono et le prix Renaudot des lycéens pour son roman "On était des loups".

Son nouveau roman "Madelaine avant l’aube" sort en 2024 et reçoit le Goncourt des lycéens.