Alger, centre-ville, début du XXIe siècle. Adel et Yasmine, frère et soeur, étaient proches, enfants. Ils ont grandi, changé, ils n’arrivent plus à se parler. Ils s’aiment en silence, entre une mère acrimonieuse et une aînée échouée là avec sa famille, qui peint à longueur de journée comme on s’invente un ailleurs. Au pied de l’immeuble, du haut des balcons et jusque chez eux, on les observe, on commente : ils sont différents, trop beaux et peut-être un peu trop libres, c’est insupportable.
Dans une société étriquée par les convenances, dans un pays qu’on quitte plus facilement qu’on ne l’aime, être simplement soi-même est un luxe auquel la jeunesse n’a pas droit…
Porté par une construction polyphonique croisant des voix qui ne se rencontrent jamais, L’envers des autres est un roman sensible, violent et lucide, dont la noirceur n’est adoucie que par les naïves rêveries d’une fillette en ballerines de toile.
Avec une écriture à la fois ciselée, sensuelle, et abrupte par moment, Kaouther peint indépendamment 9 personnages en leur donnant à tous de rôle la parole. Ces personnages, de par la construction choisie par l’auteur, semblent ne jamais se croiser. Ils sont cependant tous liés les uns aux autres, et ce parfois légèrement.
Ils sont tous les représentants d’une société hétérogène, à la croisée des chemins ; entre l’ordre ancien régi par des traditions et croyances séculaires, et un élan de liberté et de modernité encore pris en tenaille par l’ancienne génération.
Ces jeunes gens sont à la fois soucieux de faire évoluer les choses, et pressés de partir. C’est l’ennui, la jeunesse désabusée, un monde adulte perdu, des plus anciens qui ne comprennent plus leurs enfants, que l’auteur, tente de nous montrer avec beaucoup de finesse.
« Je n’ai ni passé, ni avenir, juste un présent qui s’étire comme un chewing-gum à cinq dinars. »
A celles et ceux qui cherchent une histoire, passez votre chemin. En revanche, si, comme moi, vous parvenez à considérer ce livre non pas comme un livre, mais comme une toile que l’on regarde tantôt de près, tantôt de loin, en laissant aller l’imagination, alors le voyage vaudra la peine.
Je remercie libfly et les éditions Barzakh, qui avec l’opération deux éditeurs du Maghreb se livrent, m’ont offert cet ouvrage.
Kaouther Adimi- éditions Barzach( juin 2010)Actes Sud (juin 2011)-112 pages
Née en 1986 à Alger, Kaouther Adimi a obtenu une licence de langue et littérature françaises en Algérie avant de s'installer à Paris, où elle vit depuis deux ans et termine un master de management international des ressources humaines. Ses nouvelles ont été distinguées à deux reprises par le prix du jeune écrivain francophone de Muret (2006 et 2008) et par le prix du FELIV (Festival international de la littérature et du livre de jeunesse d’Alger) en 2008. L'Envers des autres, son premier roman, est paru en Algérie aux éditions Barzakh sous le titre Des ballerines de papicha en juin 2010.
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