jeudi 12 août 2010

La femme blessée


Elle incarne la vieille France, lui l'ambition politique.
Ils sont mariés depuis vingt ans et forment ce couple idéal taisant mine de petit-déjeuner en double page des magazines avec des sourires qui ne sont pas du petit matin. Peu à peu, cette vie sur papier glace va très banalement tourner au vinaigre. Elevée pour être une épouse et une mère parfaites, Victoire est pourtant invitée à laisser la place. Son éducation, ses sentiments, les lois de son milieu le lui permettront-ils ? le temps d'une crise, toute l'histoire du couple, son passé comme son avenir, peu à peu se dévoile.

Peut-on échapper aux règles non écrites inhérentes à son milieu social ? La femme est-elle vraiment plus libre de sa destinée de nos jours ? Telles sont les deux questions que je me pose une fois avoir terminé ce livre.
Caroline Pascal fait rentrer le lecteur au cœur d’un monde où tout n’est que façade, silences, manigances, mensonges, petits arrangements entre « amis », ragots.
Victoire Mornas, née de Clervy, a obéi à tous les codes que son milieu impose. Elle facilitera l’ascension sociale de son mari, Henry, et l’envol de sa carrière politique. Parce que dans ce milieu, il en est ainsi ; les petites filles sont éduquées à cela dès leur plus tendre enfance. Quoi qu’il arrive, il faut se taire, et fermer les yeux, serrer les dents, souffrir en silence, mais sourire au monde.
Victoire, est délaissée, bafouée, trompée. C’est un détail insignifiant qui lui ouvrira les yeux. Elle n’en peut plus, n’accepte plus cette vie là.
Henry c’est le sale type par excellence. Il n’est pas de bien loin, un peu infirme- canard boiteux comme l’appellent ses beaux parents, mais a une ambition dévorante. Tous les moyens sont bons. Il est profiteur, cynique, avide de reconnaissance, infidèle pour finir.
Caroline Pascal analyse intelligemment et sans complaisance une société qui n’accepte pas ceux qui ne sont des leurs et qui font comme si.
« Dans un couple tout n’est pas bon à dire, Les hommes ont leurs affaires qui ne nous concernent pas et il vaut mieux ne pas les connaître. On ne comprendrait pas, on s’affolerait peut-être, on ferait même des bêtises qu’ils nous reprocheraient sans doute. Et avec raison » p 82 (c’est la mère de Victoire qui parle à sa fille)
J’ai trouvé que l’auteur faisant un minutieux décorticage des codes de l’aristocratie, et cela pouvait donner par moment à des dialogues savoureux .Je retiens en particulier quand Victoire vouvoie sa mère, où lorsque les même se lâchent en privé, avec des propos loin des mots convenus qu’elles peuvent avoir en société….
Les temps changent, mais rien ne change. Combien de Victoire sont encore réduites à accepter l’inacceptable au nom de la raison d’état, ou de la raison tout court ?
Si à la fermeture de ce livre la fin m’a surprise, avec le recul, pouvait-il vraiment en être autrement ?
Un livre qui fait réfléchir sur la condition féminine.
Tout cela me remet en mémoire un vieil adage, mais toujours d’actualité : mieux vaut vivre seule, que mal accompagnée.

Caroline Pascal-Plon-256 pages

A propos de l'auteur


Normalienne, agrégée, docteur es lettres, Caroline Pascal est universitaire. Elle a traduit en français les deux grands écrivains espagnols de la fin du XIXe siècle: Emilia Pardo Bazán et Benito Pérez Galdos. Elle est l'auteur de deux romans salués par la critique, Fixés sous verre (Plon, 2003) et Derrière le paravent (Plon, 2005).

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