Heureux d'échapper à la monotonie de son Académie militaire, le lieutenant Drogo apprend avec joie son affectation au fort Bastiani, une citadelle sombre et silencieuse, gardienne inutile d'une frontière morte. Au-delà de ses murailles, s'étend un désert de pierres et de terres desséchées, le désert des Tartares.
A quoi sert donc cette garnison immobile aux aguets d'un ennemi qui ne se montre jamais ? Les Tartares attaqueront-ils un jour ? Drogo s'installe alors dans une attente indéfinie, triste et oppressante. Mais rien ne se passe, l'espérance faiblit, l'horizon reste vide.
Au fil des jours, qui tous se ressemblent, Drogo entrevoit peu à peu la terrible vérité de fort Bastiani.
" Ainsi se déroulait à son insu la fuite du temps" p75
" L’existence de Drogo, au contraire s’était comme arrêtée. La même journée, avec ses évènements identiques, s’était répétée des centaines de fois sans faire un pas en avant. Le fleuve du temps passait sur le fort, lézardait les murs, charriait de la poussière et des fragments de pierres, li !ait les marches et les chaines, mais sur Drogo il passait en vain, ; il n’avait pas encore réussi à l’entrainer dans sa fuite." P 80
"Quatre années s’étaient écoulées depuis lors, une respectable fraction de vie, et rien, absolument rien n’était arrivé qui pût justifier tant d’espoirs." p144
Ainsi le temps, qui passe, qui court, qui fuit, est le maître mot de ce roman. Et pourtant cela n’a rien d’évident au début.
Hormis le fait que l’action se situe au somment d’une montagne, dans un fort, le lecteur ne sait rien de plus quand au lieu, et au temps. Dès le début, il règne une intemporalité que j’ai trouvée assez particulière. Seules les saisons rythment le récit.
L’attente est l’occupation principale, unique même de Drogo et ses camarades militaires. Ils sont à l’affut d’un ennemi hypothétique, qui tarde à venir. Viendra, viendra pas ?
Et si l’ennemi n’était finalement pas ailleurs, plus intime aussi ?
L’absurdité est poussée à l’extrême ; passer une vie à attendre. Mais quoi ? Tout est là.
L’espoir dans son expression la plus noire.
"Effectivement s’avançait contre Giovanni Drogo l’ultime ennemi .Non point des hommes semblables à lui, (…), mais un être tout puissant et méchant." P 229
L’écriture de Dino Buzzati, est belle, et son style est soigné. La lenteur du démarrage m’a un peu décontenancée. J’avais peine à avancer, mais paradoxalement, je me sentais intriguée au fur et à mesure.
Dino Buzzati-Robert Laffont-231 pages
Mon roman de chevet.L'auteur qui m'a le plus touché.Le thème de l'attente qui m'a toujours hanté.
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