mercredi 9 février 2011

La porte étroite


La porte était close. Le verrou n'opposait toutefois qu'une résistance assez faible et que d'un coup d'épaule j'allais briser... A cet instant j'entendis un bruit de pas ; je me dissimulai dans le retrait du mur.
Je ne pus voir qui sortait du jardin; mais j'entendis, je sentis que c'était Alissa. Elle fit trois pas en avant, appela faiblement :
- Est-ce toi Jérôme?...
Mon cœur, qui battait violemment, s'arrêta, et, comme de ma gorge serrée ne pouvait sortir une parole, elle répéta plus fort
- Jérôme! Est-ce toi?
A l'entendre ainsi m'appeler, l'émotion qui m'étreignit fut si vive qu'elle me fit tomber à genoux.
Je ne garderai pas de cette lecture un souvenir impérissable, bien au contraire. Elle s’est faite dans un climat de révolte quasi permanent. En outre je l’ai trouvée terriblement ennuyeuse, austère, et en tout cas plus efficace que n’importe quel somnifère.
Je n’ai pas aimé le style qui m’est paru immédiatement ampoulé, austère, tarabiscoté. Tout cela est désuet, vieillot, démodé. Il m’a fallu lutter pour lire les 30 pages que je m’assignais à chaque fois que j’ouvrais ce livre pour ne pas dormir.
Que dire de l’histoire ?
Jérôme aime Alissa, sa cousine, qui l’aime également. Pour l’instant tout va bien, il suffirait qu’ils se marient, qu’ils eurent beaucoup d’enfants, comme le prescrit la religion Chrétienne, et l’affaire serait entendue en on en reparlerait plus….. Et bien non, la sœur d’Alissa, Juliette, aime aussi Jérôme (quel succès !!), et Alissa s’en rend compte. Et c’est là que l’affaire tourne au vinaigre. Alissa se laisse aller, aspire à la sainteté, et, sublime un amour jusqu’au renoncement, au sacrifice.
D’emblée l’austérité protestante est palpable, et le moindre bout de chair visible, ou couleur inappropriée provoquent scandale et indignation.
« Et vous appelez aussi de deuil ce châle rouge qu’elle a mis sur ses épaules ? Flora, vous me révoltez ! S’écriait ma mère »
Au sein de cette famille, personne ne sait ce qu’il veut ; On hésite, se pose des questions, se tourmente, se déchire……
« Tout, en elle, n’était que question et qu’attente…Je vous dirais comment cette interrogation s’empara de moi, fit ma vie »
Alissa est versatile : quand elle est seule, elle écrit des lettres enflammées (dans la limite de la morale, tout de même !!!) à Jérôme, et quand ce dernier est dans les parages, elle ne veut pas le voir, et veut souffrir vertueusement……Elle aurait mérité d’être secouée un bon coup.
La clé de ce livre, se situe dans les Evangiles « Efforcez vous d’entrer par la porte étroite, car la porte large et le chemin spacieux mènent à la perdition, et nombreux sont ceux qui y passent » C’est cette voix du sacrifice, de la recherche de la difficulté suprême qui guident les personnages dans la conduite de leur vie…..
Cette vie de rigueur leur plait ; ils la recherchent. Alors Alissa souffre, c’est un fait, mais je reste impassible devant tout cela. C’est son choix, qu’elle assume. Qu’ils assument, car Jérôme est tout autant illuminé, endoctriné. Ils prennent tout pour vérité absolue ; il n’y a aucune place pour le libre arbitre, et le sens critique…..
J’ai été, malgré moi, imprégnée de religion, et d’histoires de ce genre, et je me suis battue pour imposer mon propre chemin ; alors j’ai du mal à comprendre cette résignation, ce manque de combativité.
Toute idée de sacrifice, de vie excluant tout plaisir, le refus du bonheur, de culpabilité permanente m’est insupportable. Ce sont des notions très Chrétiennes auxquelles ne n’adhère pas du tout.
C’est pourquoi, je suis persuadée qu’il faut être infiniment croyant pour apprécier ce livre. Un chef d’œuvre pour certain, une histoire sans intérêt pour moi. Je n’ai pas aimé du tout. Je l’ai lu, presque en intégralité, puisque j’ai survolé de très haut je journal d’Alissa, parce qu’il était court. Sinon, il aurait connu le même sort que ses camarades plus copieux : retour au placard.
André Gide-Folio n°210-185 pages
Lauréat du prix Nobel en 1947, André Gide est considéré comme un écrivain majeur du XXe siècle, 'un contemporain capital' selon les termes d'André Malraux. D'abord proche des cercles symbolistes, il se détache peu à peu de ce mouvement et publie sa première oeuvre majeure : 'Les Nourritures terrestres' en 1897. Il y évoque déjà la question de l'homosexualité - thème repris dans l'essai intitulé 'Corydon' - et clame sa volonté d'assouvir ses désirs et de s'affranchir des servitudes sociales et religieuses. Ces convictions nouvelles mettent un terme à son amitié avec le fervent catholique Paul Claudel. Toute sa vie, André Gide se préoccupe du rôle et de la responsabilité de l'écrivain et devient un des chefs de file de la Nouvelle revue française. Son succès s'accroît après la Première Guerre mondiale, notamment grâce à sa théorie de 'l' acte gratuit' développée dans 'Les Caves du Vatican'. Avec 'Les Faux-monnayeurs', l'auteur signe son chef-d' œuvre et s'inscrit comme un précurseur du Nouveau Roman par sa forme narrative complexe : refus de chronologie linéaire, multiplication des points de vues et intrusion d'histoires secondaires. La richesse du travail d'André Gide réside en grande partie dans son apparente contradiction, celle d'un homme élevé dans la rigueur protestante, très attaché à l'ordre moral mais toujours en quête de liberté, à la recherche de ses propres codes littéraires et existentiels.
Lu dans le cadre du Challenge de Nobel:



Lu dans le cadre de la lecture commune avec Partage-Lecture

3 commentaires:

  1. J'ai lu ce roman quand j'étais jeune (une vingtaine d'années) et je me souviens qu'il avait généré en moins beaucoup d'ennui. J'aurai pu me révolter si je m'étais sentie proche des personnages, mais non. Ils ont choisi ce qui leur arrive, ils ne le subissent pas.

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  2. J'hésite à découvrir ce livre tant les avis sont partagés. Enfin, quand ma PAL diminuera, peut-être alors que je me le tenterai pour avoir mon propre jugement.
    Sinon ta critique est très explicative. Merci.

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