" Sur le mur, la robe est accrochée comme un tableau de chasse. Elle est belle, sans doute un peu sage mais, qu'importe, c'est le jour d'Anna. Aujourd'hui, 21 avril, je marie ma fille, je laisserai de côté mes pensées de vieille folle, je serai comme elle aime que je sois : digne, bien coiffée, bien maquillée, souriante, prête à des conversations que je suivrai avec un enthousiasme feint et qui ne me laisseront aucun souvenir, parée pour butiner d'invité en invitée, mère parfaite que je serai aujourd'hui. Je me cacherai pour inhaler mes Fumer Tue. Je marie ma fille, aujourd'hui. Cette phrase bondit dans ma tête tandis que je la regarde dormir. J'ai quarante-deux ans et je marie ma fille aujourd'hui. J'ai soudain l'impression d'être sortie de mon corps, de flotter au-dessus d'Anna endormie et de moi-même, de regarder tout cela comme on regarde un film, de me dire que cela ne peut pas m'arriver, pas à moi. J'aurais souhaité être sage le jour du mariage de ma fille... " Pendant la noce d'Anna, sa mère se souvient. De la jeune femme qu'elle a été, si différente de sa fille aujourd'hui, de ses rêves, de ses espoirs, de ses envies ; parce qu'elle en a encore, des envies, cette femme célibataire qui marie sa fille... Pendant la noce, l'enfance d'Anna resurgit avec le souvenir du père, de l'absent, de l'inconnu... Et un autre bonheur pointe son nez dans la nuit.
Nous sommes le matin des noces d’Anna. L’espace d’une journée, toute une vie se bouscule, en désordre dans les pensées de sa mère.
Avec une infinie tendresse, avec à la fois la réserve et un naturel désarmant, elle livre ses angoisses, ses regrets de n’avoir pas fait, ou pas assez. Sous le mode de la confidence nous apprenons ses émois de jeunes filles dont Anna est issue. Elle ne se ménage pas, et se donne tout entier au lecteur dans une confession courte, mais si intense.
Il m’est difficile d’en dire plus, parce que ce texte se ressent, et se vit plus qu’il ne se raconte. Très souvent, quand c’est Beau, il faut le dire, tout simplement, sans rien ajouter…si ce n’est que de vous encourager à savourer ce texte magnifiquement écrit.
« C’est si difficile d’être une mère, je ne sais pas comment font ces autres à qui tout réussit. »
« Jamais je n’ai vu d’enfant si sage si vite, si lisse parfois, si consciente de ses responsabilités envers moi, sa mère. Comme si très tôt, elle avait su que je l’avais mise au monde pour me recadrer, pour faire de moi une grande personne, une adulte aux yeux des autres et une ombre aussi pour me réfugier. »
Nathacha Appanah - Gallimard/Continents noirs- 140 pages
Nathacha Appanah, née à l'île Maurice, vit et travaille en France. Après Les rochers de Poudre d'Or (prix RFO 2003, prix Rosine Perrier 2004) et Blue Bay Palace (Grand Prix littéraire des Océans Indien et Pacifique), La noce d'Anna est son troisième roman.
Ça semble un texte assez fort... J'ai bien envie de le lire.
RépondreSupprimerEncore une belle lecture à découvrir.
RépondreSupprimerJe le note celui-ci
C'est un de mes romans préférés de ces dernières années, émouvant, facile à lire et marquant!
RépondreSupprimer