samedi 15 octobre 2011

Avant la nuit


De l’enfant nu qui mange de la terre dans une vieille ferme de Holguín à l’exilé cubain qui, à quarante-sept ans, malade, se donne la mort à New York, l’existence de Reinaldo Arenas est guidée par l’anticonformisme viscéral de qui a osé prendre tous les risques.
Vibrant témoignage sur les exactions de la dictature castriste, Avant la nuit est une œuvre littéraire à part entière composée avec fureur et poésie. Elle est traversée de ses principaux thèmes de prédilection : une recherche éperdue de beauté, encore la lune, toujours la mer, et une sexualité débridée comme manifestation absolue de liberté et, dans son cas, de résistance.
Porté à l’écran par Julian Schnabel, Avant la nuit a obtenu le Grand Prix spécial du jury 2000 à la Mostra de Venise.

« J’avais déjà commencé mon autobiographie à Cuba, et je l’avait intitulée Avant la nuit, car je devais l’écrire avant la tombée de la nuit, puisque je vivais fugitif dans un bois. Maintenant, la nuit avançais de nouveau, de façon, de façon plus imminente. C’était la nuit de la mort. Maintenant il fallait vraiment que je finisse mon autobiographie avant la nuit. »


Mon voyage à Cuba ne m’emportera ni vers les plages, ni vers l’exotisme insouciant qui peut occuper le touriste en mal de soleil et de chaleur .Bien au contraire, il me catapultera au cœur de la dictature exercée par un homme depuis des années sur une population à bout de souffle.
Reinaldo Arenas, fait partie de ces écrivains cubains qui ont écrit la révolte, le rejet de ce régime, et qui en ont payé le prix fort.
J’ai choisi, un peu par hasard, cet ouvrage qui n’est pas un roman, mais une autobiographie, grâce à la rediffusion cet été du film que Julian Schnabel  a réalisé à partir de ce livre.
Cette autobiographie a quelque chose d’original, dans le sens où elle n’a rien de linéaire, de chronologique. Elle commence par la fin de la vie de l’écrivain qui se sait malade et préfère la mort à la déchéance, et se termine par une lettre d’adieu qui n’est rien d’autre qu’un testament politique et une dernier réquisitoire contre celui contre lequel il se sera battu à sa manière toute sa vie.
« J’exhorte le peuple cubain de l’exil comme de l’ile à continuer à lutter pour la liberté. Môn message n’est pas un message de défaite, mais de lutte et d’espérance. Cuba sera libre. Moi je le suis déjà. »
Le reste, n’est rien d’autre que la Vie,  avec un V majuscule ; une vie vécu à 100 à l’heure, une vie croquée par les deux bouts, une vie éprise de liberté et de beauté absolue, une vie qui finalement sera sa perte.
Cette biographie, est donc plutôt thématique que linéaire : 70 chapitres, pour la plupart courts, voire très courts. Seuls deux seront plus copieux :L’érotisme, et, La prison. Et cela n’est pas un hasard
70 chapitres, 70 tableaux….Une autobiographie atypique, que Reinaldo écrit par petites touches, comme on peint au petit pinceau. C’est court, c’est clair, c’est précis.
La thématique, plutôt que la chronologie, reflète la personnalité bouillonnante de cet écrivain. Il sera marqué très tôt par sa relation avec sa mère, et sa relation aux femmes : il ne connaît pas son père, et sera élevé par sa famille maternelle.

Ce qui frappe d’emblée, c’est que très tôt, il sera pris d’obsessions érotiques, et une attirance marquée et assumée pour les garçons, puis les hommes. Rajoutons à cela, une persécution systématiques des homosexuels, et nous comprendrons l’importance qu’il donnera à l’érotisme dans son œuvre, en ne cachant rien dune sexualité débridée, décomplexée. Il l’écrira dans des termes explicites, souvent très crus, qui pourraient à premier abord passer pour de la vulgarité, mais qui venant d’un homme me gène moins que d’une femme, et qui exprime surtout la révolte contre l’oppression, le désir de liberté absolue. Cet homme a passé un certain temps en prison, ou dans des camps de travail, et cela explique aussi l’importance qu’il a donnée à ce thème dans son texte.

Reinaldo dresse tout au long de ces pages, qui se lisent avec beaucoup de facilité, un tableau très éloigné du cadre idyllique que certains viennent chercher à Cuba. Et c’est cela qui m’a fasciné, la dénonciation d’un régime exsangue, mais toujours debout, qui persécute, traque, affame, assoiffe. Un régime qui a fait de ses intellectuels, des criminels, qui a fait des homosexuels des animaux que l’on enferme dans les pires conditions. Il rend hommage à de nombreux écrivains cubains, notamment Guillermo Rosares (cf. Mon ange).

« Cette fois, pour tous les intellectuels cubains la nuit noire était venue. Impossible désormais d’envisager de quitter le pays, car dès 1970 Fidel avait proclamé que tous ceux qui le souhaitaient étaient déjà partis ; il faisait  ainsi de l’ile une prison où tout le monde, d’après lui, était heureux de vivre. »
Mais, l’exil n’est pas mieux ressenti. Si l’auteur a pu, s’échapper, ce n’est pas pour autant, que la vie en a été meilleure pour lui. Miami, la ville la plus proche de Cuba, ne lui convenait pas. New-York sera pour lui synonyme de maladie et de mort.

« Certes, dix ans après, je m’aperçois que pour un expatrié il n’y a aucun endroit où l’on puisse vivre ; il n’existe aucun endroit, car celui où nous avons rêvé, où nous avons découvert un paysage , lu notre premier livre, eu notre première aventure amoureuse, demeure l’endroit rêvé ; en exil, on n’est plus qu’un fantôme, l’ombre de quelqu’un qui ne peut jamais atteindre sa propre réalité ; je n’existe pas depuis que je suis en exil ; depuis lors, j’ai commencé à fuir de moi- même. » propos écrits en 1990…..20 ans après ,où en est Cuba ?????

Cela restera une lecture marquante, grave, qui donne envie de secouer beaucoup de choses. Elle peut rebuter certains, voir les choquer. En ce qui me concerne, j’ai beaucoup apprécié ce livre. J’attendais de l’avoir lu pour visionner le film ; et lirai très certainement d’autres ouvrages de cet auteur.


Reinaldo Arenas- Babel Actes Sud  n°458 (2000) 1ère parution chez Julliard en 1992-440 pages

Reinaldo Arenas est un écrivain cubain, romancier, nouvelliste et poète, né le 16 juillet 1943 à Holguín et mort le 7 décembre 1990 à New York. Persécuté par le régime castriste pour son homosexualité, il s'exila aux États-Unis en 1980 et raconta son histoire dans Antes que anochezca (Avant la nuit), récit autobiographique qui fut porté à l'écran par le cinéaste Julian Schnabel.
Abandonné par son père, Reinaldo Arenas est né à Holguín le 16 juillet 1943. Le petit Reinaldo grandit ainsi dans une famille paysanne pauvre, sa mère s'étant réfugiée chez ses parents.

À 13 ans, le jeune Reinaldo montre déjà des talents d'écrivain, de poète. Il s'engage alors auprès des révolutionnaires castristes pour les aider à triompher du dictateur Batista.
La révolution achevée, il étudie à l'université de La Havane puis travaille pour la Bibliothèque Nationale José Martí. Il doit alors tout au régime castriste, qui lui a offert l'éducation et un travail. Il rêve d'embrasser une carrière d'écrivain. Le jeune homme paraît sur la bonne voie. Son premier roman Celestino antes de alba (Célestin avant l'aube qui deviendra "Le Puits") s'est distingué au concours national d'écriture. Il se satisfait d'autant mieux du régime qu'il peut profiter pleinement d'une grande liberté sexuelle, et vivre librement son homosexualité.
Le pouvoir veut bientôt reprendre en main les Cubains. La révolution culturelle de l'île caribéenne prend une facette plus dure. Les écrivains doivent censurer leurs écrits, les homosexuels sont considérés comme déviants.
Arenas commence à subir les persécutions des autorités, mais il continue d'écrire et de vivre sa sexualité comme il l'entend afin de pouvoir demeurer libre. Il ne peut plus faire paraître ses œuvres sur l'île mais parvient à les envoyer illégalement à l'étranger. Le peintre cubain Jorge Camacho, exilé en France, l'aide à faire paraître ses livres dans le reste du monde.
Ses critiques contre le pouvoir et son homosexualité lui valent de connaître la prison et les camps de réhabilitation par le travail. Cela ne l'empêchera jamais d'écrire. Tous les moyens sont bons pour transmettre ses écrits. En prison, il fait par exemple appel aux rectums de visiteurs. Il quitte l'île en 1980, au cours de l'exode de Mariel, en compagnie de milliers de dits rebuts de la société expulsés par le régime cubain.

Challenge destination Cuba avec Evertkhorus
Lecture autour du mot nuit organisé par Calypso
La littérature fait son cinéma que nous propose Will.
Film de Julian Schnabel ( 2000) avec notamment Johnny Deep, Olivier Martinez

5 commentaires:

  1. J'aime bien l'idée des 70 chapitres/70 tableaux et je trouve le titre tout à fait sublime dans sa simplicité.
    Merci d'avoir participé !

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  2. Ça a l''air d'être un livre très intéressant !

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  3. Je rejoins tout à fait Calypso !

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  4. Et bien, tu as fait un excellent choix sur ce coup-là, et même si ça avait l'air d'une lecture difficile, je le note.

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  5. Ton avis confirme la lecture qu'une amie avait faites de lui il y'a des années. Cela donne envie de le lire!

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