vendredi 19 avril 2024

L'île haute

 

Quel bonheur de retrouver Valentine Goby, qui à chaque nouvel opus, parvient à se renouveler, et me surprendre.

Valentine Goby aime la montagne, la pratique assidûment, et s’en inspire ici en installant immédiatement une impression qui engage tous les sens.

Vadim est un jeune parisien de douze ans que sa famille envoie prendre le bon air de la montagne pour soigner son asthme. On découvrira au fil des pages que les choses sont un peu plus compliquées que cela. Nous sommes en 1942….

Vadim est accueilli à la ferme loin de la ville, avec les sommets face à lui. Et puis il a Moinette, qui va devenir sa grande copine. Ainsi, Vadim, rebaptisé Vincent, traversera trois saisons, où la montagne offrira ses trois couleurs : le blanc hivernal, le vert du renouveau printanier, et le jaune estival, qui serviront d’architecture à ce roman initiatique.

Tout, à mon humble avis, repose sur la prose poétique et ciselée de Valentine Goby qui fait des montagnes un autre personnage de ce roman qui invite le lecteur à rentrer subtilement dans l’intimité de ce jeune garçon et de sa famille alors que la chasse aux juifs bat son plein.

Valentine Goby sème ici ou là une multitude d’évocations de ses précédents romans, tout en nous proposant quelque chose de nouveau et de particulièrement émouvant.


L’île haute de Valentine Goby aux éditions Actes Sud (Août 2022, 270 pages)

lundi 8 avril 2024

Comme si nous étions des fantômes

 

La première guerre mondiale n’a pas fini d’inspirer les écrivains, et ces derniers ne sont pas en reste pour se renouveler par rapport à leurs ainés tant il y aurait à dire.

Ici l’auteur s’inspire librement de son grand-père pour offrir une fresque historique dans laquelle le suspense prend une large place.

Nous sommes à la fin du conflit, à l’heure où les belligérants se doivent d’identifier, autant que faire se peut, leurs morts afin de leur offrir une sépulture digne de leur engagement, et sacrifice au service de leurs nations. Le nord, de la France où se déroule l’action, et l’est en savent quelque chose quand s’étendent à perdre de vue les croix blanches alignées sur des terres soigneusement entretenues.

Amy, est une jeune fille de très bonne famille. Elle s’est éprise pu avant la guerre d’un jeune homme, instituteur et musicien à ses heures, mais hélas pas assez bien pour elle selon les critères de sa famille. Il s’engage, et sera porté disparu. C’est sans compter sur la ténacité d’Amy qui portée par son amour brulant, part sur les champs de batailles à la recherche de son amoureux. Les pieds dans la glaise des tranchées encore fumantes, jonchées de cadavres, et de morceaux de corps, elle s’obstine, et part à la recherche de tous ceux qui auraient pu à un moment donné croiser le chemin d’Edward. Seulement voilà, non seulement on n’y découvre pas que des cadavres de guerre, et puis Amy fait la connaissance de personnes qui n’ont pas tout à fait les mêmes intérêts qu’elle.

A ce stade de mon avis, je n’en dirai pas d’avantage, si ce n’est que ce ne sera qu’à la toute dernière page que le lecteur aura la clé de l’énigme.

Entre temps, c’est sous un angle original et surtout mal connu que nous allons cheminer entre ce qui se passe sur le terrain, les flash-backs et quelques lettres, nous enfoncer dans les méandres assez peu reluisant d’une des plus grandes boucheries de notre monde moderne ; on ne se contentait pas d’envoyer au feu nos jeunes hommes, on les droguait pour leur donner du courage.

J’ai beaucoup aimé la trame historique, et l’angle de point de vue ; j’ai apprécié le travail que l’auteur a fait sur ses personnages, en particulier Amy et par ricochet le rôle des femmes durant ce conflit, véritables héroïnes de l’ombre. En outre, l’auteur a bien su faire ressortir l’ambiance crasse et morbide de l’époque. Il faut souligner à ce stade le beau travail de traduction d’Elodie Leplat.

En revanche je reste un peu sur ma faim sur le côté thriller du roman qui n’a m’a que moyennement convaincue.

Comme si nous étions des fantômes de Philip Gray, traduit de l’anglais par Elodie Leplat aux éditions Sonatine (Septembre 2023,503 pages)

Philipe Gray est un écrivain anglais né en 1973.

Il a étudié l’histoire à Trinity College de l’Université de Cambridge. Il a ensuite travaillé pendant neuf ans comme journaliste à Madrid, Rome et Lisbonne.

De 1993 à 2001, il a co-écrit six romans sous le pseudonyme de Patrick Lynch. En 2005, il publie "Zola's Gold" (2005), son premier roman solo, sous le nom de Philip Sington.

Le grand-père de Philip était capitaine dans le régiment de fusiliers du Lancashire et a combattu pendant la Première Guerre mondiale. L'auteur s'est inspiré de son histoire pour écrire "Comme si nous étions des fantômes" ("Two Storm Wood", 2022).

Philipe Gray est aujourd’hui à la tête d’une société de production de documentaires spécialisés dans l’histoire.

Il vit à Londres avec sa femme allemande et leurs deux enfants.