mardi 23 novembre 2010

Et le jour pour eux sera comme la nuit



Denis d'Aubigné est bien mort, ce 23 janvier à huit heures du matin, dans la cour d'un immeuble bourgeois d'une rue paisible du XVe arrondissement de Paris. Vingt ans, sept étages. Pourquoi un jeune homme met-il brutalement fin à ses jours ? Un père, une mère, une grande sœur et un petit frère cherchent à répondre à cette question déchirante. Où est Denis ? Où sont-ils sans lui ? On ne sait rien de la mort sauf qu'elle change des vies.
Ayant connu deux suicides en peu de temps dans mon entourage, et ayant pu constater les ravages collatéraux que l’un d’entre eux a pu faire, le sujet, évidemment me « parlait ». Et s’il me parlait, je ne voulais pas pour autant avoir entre les mains un ouvrage technique, dont je n’avais pas vraiment l’usage, un roman me paraissant plus approprié.
L’ouvrage d’Ariane Bois est à mon sens une réussite. Dans une écriture minimaliste, ciselée, et j’ose dire saccadée par moment, mais avec infiniment de tact, de pudeur, et, de profondeur parvient à rentrer dans l’intime d’une famille anéantie par le suicide de l’un des leurs.
Une famille bourgeoise parisienne dans le modèle le plus traditionnel à qui tout semble sourire, trois beaux enfants qui ne semblent manquer de rien. Et pourtant….et pourtant…..
Pourquoi ? Telle sera la question tout au long de ce livre. Pourquoi Denis s’est t-il supprimé, que s’est t-il passé ?
Comment la famille va-t-elle encaisser ce séisme ; comment va-telle en parler, ou ne pas en parler ? Comment va affronter le monde autour d’elle ?
Le lecteur suit à distance raisonnable grâce à l’absence de voyeurisme la mise e route du processus de deuil de cette famille. Une famille dans laquelle on ne parle as beaucoup, dans laquelle il ne fait pas bon étaler ses douleurs ; une famille dans laquelle la mort est encore un mot tabou.
« Y a-t-il des familles où l’on aborde ce sujet avec un enfant de vingt ans ? Et chez les Aubigné, la mort était rarement évoquée »
Ceci dit, il n’y a pas que chez eux…….
« Il faut se montrer digne de Denis. Pas question d’exhiber sa douleur en public. »
Ariane Bois n’esquive pas les difficultés du couple : le dialogue impossible, le repli, les reproches, la culpabilité.
Le thème de la culpabilité m’a beaucoup interpellée dans la mesure où elle est un sentiment plutôt catholique, alors que curieusement le père est protestant, et la mère issue d’une famille juive. La culpabilité de ne pas avoir vu, ne pas avoir décelé (le père étant médecin), la culpabilité de ne pas avoir assez fait……..Attaché ou non à une pratique religieuse, la culpabilité est certainement ce qui ronge le plus de l’intérieur , et contre laquelle l’entourage peut le moins. De fait j’ai également remarqué l’absence de toutes manifestation de « bigoterie » d’idolâtrie, ou, de cérémonial plutôt catho traditionnel ; ce qui a donné à mon avis un caractère plus humain, et plus naturel au deuil.
Puisque le dialogue est absent, puisque que le chagrin ne s’exprime, il ne reste que la chimie pour tenter d’améliorer…..
Cette famille part à la dérive ; toute la famille chacun à sa façon. J’avais envie de les enfermer tous afin qu’ils se parlent, enfin, qu’ils disent les choses ouvertement, notamment au petit frère. J’avais envie de secouer la mère de Laura qui lui dit « c’est atroce, mais tu en auras un autre »…….
Il y aurait tant à dire…….
Un livre qui se veut apaisant, que l’on peut lire sans crainte, juste, discret, sans mot de trop, qui s’arrête là où faut, qui ne pas se faire envahissant.
Difficile de se mettre dans la peau de ces personnage, même quand on vit cela de très près…difficile de rassurer un proche et le convaincre qu’il a tout fait, qu’il ne pouvait faire plus, et qu’il ne pouvait éviter le geste, qu’il n’est pas responsable de la part de l’autre…….
Ariane Bois-Ramsay-125 pages
Quelques mots à propos de l'auteur
Ariane Blois est grand reporter, spécialisée dans les sujets de société. Avec Et le jour pour eux sera comme la nuit, elle signe son premier roman.

5 commentaires:

  1. Sujet troublant, effectivement. J'ai été aussi témoin de la survie d'une famille après un suicide. J'ai bien dit survie. Je ne lirai pas ce livre malgré tout les compliments que tu en fais, car j'ai lu d'autres livres (plus psy) sur le sujet, afin de tenter d'avancer, de comprendre.

    Belle présentation.

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  2. Merci d'avoir partagé tes idées sur ce livre Je pense que je vais le lire. Il y avait des suicides dans notre famille...
    (J'aime beacoup ton blog.)

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  3. Merci, mais dommage que je ne puisse lire le tien....je ne suis pas assez anglophone

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  4. Merci pour cette découverte, ce sujet m'intéresse moi aussi...
    Bonnes lectures

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  5. Merci d'être passée chez moi. Je lis un peu dans toutes les langues mais je n'ai qu'un blog anglais pour l'instant. Je vais inclure ton blog dans mon blogroll. J'ai beaucoup de visisteurs américains qui lisent en français.
    J'ai déjà commandé Ariane Bois.

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