dimanche 7 novembre 2010

Le convoi de l'eau


Un homme étrange s'engage au sein d'une équipe chargée de construire un barrage en haute montagne. Perdu dans la brume, tout au fond d'une vallée mal connue,se révèlent les contours d'un hameau, mais les travaux ne sont pas relis en question par cette découverte: le village sera englouti sous les eaux.
Au cours de ce terrible chantier, le destin de cet homme entre en résonance avec celui de la communauté condamnée à l'exil. A la veille du départ qui leur est imposé, il observe les premières silhouettes alignées sur le chantier escarpé. Elles sont innombrables et portent sur leur dos un singulier fardeau.
Des images de toute beauté, inoubliables
Tous les chemins mènent au livre. Pour celui-ci, c’est le libraire qui m’y aura amenée. J’en cherchais un autre, je lui parlais d’un que j’avais particulièrement aimé ; lui me présente celui là…..Comment résister à son œil pétillant en en parlant ? Comment résister à cette couverture superbe, au format si reconnaissable des Editions Actes-Sud, et de la qualité de leur papier ?
Je n’avais jamais lu d’auteur Japonais. Je me suis donc laissée tenter. Et puis, mon libraire m’assurant qu’il me reprenait le livre s’il ne ma plaisait pas, et en prenant un autre à la place !!!
Voilà un récit qui met les sens en éveil, et pour le moins étrange dans l’atmosphère qu’il dégage.
Nous sommes plongés dans une vallée reculée du Japon, au milieu des montagnes, dans une ambiance humide. J’ai été frappée par le vocabulaire se rapportant à l’eau : torrent, source, pluie, cataracte, bain, brume, brouillard. La sensation d’humidité, de moiteur est perceptible, même chez soi !!! « La peau luisante d’eau de pluie » p69
« La source jaillissait du lit peu profond. Le sable dansait au fond de l’eau, étincelant comme des paillettes. » p 72
Par ailleurs la référence aux couleurs est omniprésente, toutes les couleurs, mais notamment la couleur verte : « une fine couche de vert-de gris » p 45 ; « la vallée avait entièrement reverdie » p 68 ; « nous les écrasons en tâches vertes avec des tapettes » p69 ; « Le torrent s’écartait un peu de son lit, et ça et là, entourés d’impressionnantes parois rocheuses, s’ouvraient des gouffres vert foncé » p 71
« A cause de l’humidité, le corps était coloré de vert clair, comme s’il était couvert de mousses ou de moisissures. Il n’y avait plus e trace du vêtement blanc, qui frappé par la pluie et exposé à la brume, s’était déjà transformé en une chose naturelle » p116
En outre, le mot mousse est lui aussi très présent.
La nature, tient à elle seule de personnage ; de même rang que les habitants du hameau, les ouvriers ou le narrateur qui est un être bien étrange. Il voue une fascination pour les os.
« Cinq petits morceaux d’os des doigts du pied de sa femme……Posséder une partie d’elle me donnait le plaisir de profaner son cadavre » p20
« Le cadavre de la fille commençait déjà à montrer les premiers signes de transformation en squelette » p 136
Quand je vous dis étrange………
La mort est omniprésente dans ce récit, celui dramatique de la femme du narrateur, celui d’une villageoise, d’un ouvrier.
L’étrange est repoussant, mais, et, c’est tout le paradoxe de cette lecture, m’a attirée inexorablement vers la fin.
Vous l’aurez compris, ce récit ne se résume pas, il s’apprécie pas petite touches, ici où là, à tête reposée. Il ne fut pas un coup de cœur, mais assurément une belle découverte ; une lecture appréciée, aidée en cela par un nombre de page réduit pour ne pas alourdir d’avantage l’atmosphère.
Je voulais terminer en soulignant la poésie, le raffinement de ce texte, si caractéristiques d’une littérature japonaise que je connais bien mal.
Que mon libraire soit remercié de ce partage. Je ne lui rapporterai pas le livre, d’une part il est trop beau, et d’autre part il plaira autour de moi.
Akira Yoshimura-Actes-Sud-171 pages
Né le 1er mai 1927 dans le quartier populaire de Nippori à Tokyo, Akira Yoshimura publie une œuvre inspirée de vieilles légendes, de faits divers ou de l’histoire récente de son pays. Il a reçu de très prestigieux prix littéraires. Il est mort en 2006.
Actes Sud a déjà publié Naufrages (1999 et Babel n° 623), Liberté conditionnelle (2001) La nouvelle Liberté conditionnelle a servi de base au film L'Anguille de Shōhei Imamura. La Jeune Fille suppliciée sur une étagère suivi de Le Sourire des pierres (2002 et Babel n° 773), La Guerre des jours lointains (2004 et Babel n° 852) et Voyages vers les étoiles (20006).
ABC Challenge Babelio :8/26 [ Y]

5 commentaires:

  1. Comme d'habitude, une très belle critique précise et suffisamment enjôleuse pour qu'on se dise que si on l'aperçoit quelque part dans ces lieux de débauche (librairie, bouquiniste, médiathèque) pourquoi pas le feuilleter ad minima....

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  2. Une belle découverte.

    Vive les libraires et leurs librairies indépendantes, contrairement aux vendeurs de livres qui ne savent pas de quoi ils parlent

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  3. Mimi merci, tu m'a fait découvrir un livre d'une grande beauté, merci à ton libraire
    http://zazymut.over-blog.com/article-akira-yoshimura-le-convoi-de-l-eau-74357490.html

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  4. Pour moi, c'était un cadeau! Et un choc! J'ai été fascinée par ce livre. Ta critique est très intéressante. Depuis cette lecture, as-tu lu d'autres livres de cet auteur?

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  5. Magnifique Livre. Du même auteur, il faut ABSOLUMENT lire Naufrage, qui est pour moi un de mes livres cultes.

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