Un coin perdu du sud de la France, entre la mer et la montagne. Antoine, nouveau garde-malade, vient au chevet de Rosa, vieille femme fatiguée, usée par la vie. Dans un paysage idyllique, c’est pourtant Haïti qui est au cœur de ce roman où les dialogues prennent des allures de soliloques et où les procès n’ont pas lieu devant un jury. Implacablement, Marie-Célie provoque des rencontres entre un bourreau et sa victime, entre une femme et un homme, un tête-à-tête d’où personne ne sortira indemne. Des années après la mort du dictateur, les blessures sont toujours aussi vives. Pour les panser, certains ont choisi l’exil, d’autres, l’oubli. Chaque fois, il faut partir, partir pour un ailleurs qui est souvent soi. Mais la mémoire veille, brûlante. Alors, il faut parler, dire la douleur, retrouver les mots. C’est ce que fera Antoine, espérant enfin trouver la paix au terme d’une longue errance.
Je remercie Bob et les éditions vents d’ailleurs pour la découverte de cet auteur et de son livre, ainsi que de cette maison d’édition.
Les premiers mots qui me viennent pour qualifier cette lecture sont pesanteur, gravité. Tout est lourd et grave dans cette histoire, et ce dès le départ. Ce livre, malgré sont faible nombre de pages, ne se lit pas d’une traite ; au contraire, il faut digérer, assimiler, et se libérer de ce qu’on lit.
Bien qu’il s’agisse d’une fiction, le lecteur sent bien tout le vécu de l’auteur, au travers de cette histoire, qui, hélas, prend appui sur les heures sombres d’Haïti, et de ses abominables dirigeants.
Je connaissais assez mal, dans le détail si je puis m’exprimer ainsi, cette période concernant la présidence des Duvalier. Ce livre aura eu le mérite de m’éclairer davantage à ce sujet.
Bien que la haine, le ressentiment, la douleur du vécu soient présents à chaque page de ce livre, ce qui explique la lourdeur et la gravité que je lui attribue, l’auteur a su rester sobre dans ses descriptions. C’est au travers du style, d’un vocabulaire imagé et sans concession et d’un texte assez compact, et ce malgré des chapitres relativement courts et réguliers, qu’elle a su donner à son ouvrage toute la gravité qu’il convient à cette période, sans parvenir à quelque chose de glauque.
« N’ouvre pas tant la bouche, c’est très vilain et tu m’effraies. Je n’aime pas voir cet affreux dentier. Cela me fait penser à un crocodile, non, à un alligator ! On le prétend plus cruel. »
Marie-Célie Agnant-Vents d'ailleurs-192 pages
Romancière, poète, nouvelliste et conteuse, Marie-Célie Agnant est née en Haïti et vit au Québec depuis 1970. Elle est une écrivaine attentive au monde qui l’entoure et écrits des textes qui reflètent cet engagement. Très active sur la scène littéraire québécoise, elle connaît également une grande carrière internationale avec des traductions de ses textes vers l’espagnol, l’anglais, le néerlandais, le coréen. Depuis 1994, elle a publié une dizaine d’ouvrages parmi lesquels La Dot de Sara, Le Silence comme le sang, Le Livre d’Emma. Un alligator nommé Rosa a paru à Montréal aux éditions remue-ménage en 2008. Plusieurs de ses textes, Alexis d’Haïti ; Alexis, fils de Raphaël, La Légende du poisson amoureux, sont destinés à la jeunesse.
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