mercredi 8 juin 2011

Le retable des ardents


Fascinant chef d’oeuvre de la Renaissance, le Retable d’Issenheim de Mathias Grünewald est connu dans le monde entier. Mais qui donc est Mathias Grünewald ? Est-il ce Meister Mathis dont on peut trouver la trace fugitive ça et là dans de pauvres chroniques ? Pourquoi, quand on cherche à
retracer son parcours, a-t-on l’impression désespérante que le peintre a choisi une stratégie de fuite pour échapper à la postérité ? Pour contourner ce parti pris de discrétion et d’humilité, il ne reste à l’amateur d’histoire qu’une seule issue : éclairer le personnage à la lumière de son oeuvre. Car, dans la chambre obscure du passé, le Retable d’Issenheim est un puissant révélateur. Il met à jour non
seulement le contexte de cette période charnière du passage des temps médiévaux à ceux de la Renaissance mais aussi, et surtout, la véritable personnalité de Mathis : celle d’un homme dévoré par la foi mais aussi profondément chamboulé par les malheurs de son temps. La curiosité de l’historien nous livre aujourd’hui un roman sensible et bouleversant.

Avant toute chose, pour savoir de ce qu’il est question dans le livre

Le retable (du latin retro tabula altaris : en arrière d'autel) est une construction verticale qui porte des décors sculptés ou peints en arrière de la table d'autel. L'étymologie du mot français est la même que l'espagnol retablo, lorsque le terme italien est pala d'altare.

Il est fréquent qu'un retable se compose de plusieurs volets, deux pour un diptyque, trois pour un triptyque voire davantage pour un polyptyque.

« Je compris que notre peinte était aussi un peu alchimiste, à ceci près qu’il ne cherchait pas, lui, à transformer le plomb en or mais tout simplement à obtenir les plus belles couleurs pour honorer notre Seigneur. »

Ce livre, présenté comme un roman, mais à mon sens se situe à mi-chemin du récit et du roman. Il combine à la fois une narration avec le "je" qui est l’assistant de Maître Mathis , et un mode plus impersonnel dans une grand partie du livre. Cela n’altère en rien sa qualité, c’est simplement une impression personnelle qui n’engage que moi.

Je remercie News book et  les éditions Verger, maison alsacienne, qui m’ont permis de lire ce livre, et par la même occasion de mettre à l’honneur par ouvrage original une région magnifique qu’est l’Alsace ; et pour y habiter tout près je peux en attester doublement.

Michel Winter a su très bien, dans un vocabulaire et avec un style accessible, amener son lecteur sur les chemins de l’art, de la religion, de l’histoire nous instruire de manière pointue, et savante, sans alourdir son teste ni assommer le lecteur.
J’ai lu ce livre avec beaucoup d’intérêt : avec le plaisir du roman, et l’attractivité du livre de connaissance.

Nous sommes en 1512, en haute Alsace il sévit une terrible épidémie de maladie des ardents, ou le feu de St Antoine. Maître Mathis, reçoit une commande pour un retable pour la communauté des Antonins d’Issenheim.
C’est sous la plume de Johan, son apprenti que nous suivrons tantôt de manière romanesque, et tantôt sur le mode plus documentaire (parce qu’il y a beaucoup de lacunes historique sur la question, qu’à partir du moment où les faits ne sont plus établi, l’auteur s’est osé à la liberté) la naissance de cet œuvre d’art encore exposée en Alsace.
L’auteur montre avec talent comment la piété d’un artiste va l’inspirer dans son œuvre, comment toutes les interrogations qui l’animent durant les 4 ans de genèse du retable vont au fur et à mesure le faire cheminer.
L’auteur n’en oublie pas pour autant le contexte politique et religieux de l’époque : la haute Alsace est dans le St empire germanique, et est fortement influencée par la réforme protestante, qui fera beaucoup douter le peintre. Le climat inquisitoire, avec notamment le sort réservé à celles que l’on soupçonnait de sorcellerie est bien abordé.

J’ai aussi beaucoup apprécié la précision des descriptions géographiques et des édifices ; en particulier la cathédrale de Strasbourg…
« Jamais il n’a vu, dans ce monde rhénan pourtant riche en sanctuaires somptueux, une construction aussi élancée, aussi richement décorée. Et cette pierre, le grès des Vosges qui se sculptait comme de la dentelle, accrochait et réverbérait les rayons du soleil dès le début de l’après-midi, quand l’épais brouillard qui parfois pesait sur la cité se levait sur les toits et les quais humides de la ville. »

Les techniques artistiques, et les matériaux utilisés pour les couleurs sont très bien abordés, avec juste de théorie mais pas trop.

Au final, j’ai beaucoup appris tout en détente et plaisir. Je n’ai qu’une hâte : me précipiter au musée Unter-Linden de Colmar où ce retable est exposé.


Michel Winter-Le verger éditeur -240 pages

Pour vous donner une idée de ce que représente ce retable:
 Retable fermé, avec la crucifixion au centre, St Sébastien à gauche, St Antoine à droite; L mise au tombeau sous la crucifixion.

 Retable, première ouverture, avec de gauche à droite: l'Annonciation, le concert des anges, la Nativité, la Résurrection
.Retable seconde ouverture avec de gauche à droite: la visite de St Antoine à St Paul, St Augustin, St Antoine, St Jérôme, la tentation de St Antoine

2 commentaires:

  1. Une lecture qui semble aussi instructive qu'intéressante. Merci pour ce billet très complet.

    RépondreSupprimer
  2. voilà un livre que j'aimerai lire !

    RépondreSupprimer