mardi 5 juillet 2011

La couleur pourpre


" Toute ma vie je m'ai moquée de ce que les gens pensaient de moi. Mais dans mon coeur, c'était important Dieu qu'est-ce qu'il pensait. Et voilà maintenant j'ai compris, il pense pas, il se prélasse là-haut, assis sur son trône à faire la sourde oreille. " Célie est née sous de tristes auspices. Hier régulièrement violée par son père et aujourd'hui négligée par son mari, elle ne connaît des hommes que leurs pires travers. L'amour, pour elle, c'est d'abord Shug, une merveilleuse chanteuse de blues qui saura l'extraire de sa pauvre vie. C'est aussi Nettie, sa sœur, missionnaire en Afrique, avec laquelle elle correspond sans relâche. L'amour, c'est encore le bon Dieu, à qui elle s'adresse parfois, même si elle a l'impression qu'il la laisse un peu tomber. --Ce texte fait référence à une édition épuisée ou non disponible de ce titre.
« Bref on a parlé de Dieu, mai moi je suis encore un peu perdue dans tout ça. J’essaie de me sortir le vieil homme blanc de la tête. Jusque là ça m’a tellement occupée de penser à lui que j’ai rien remarqué des choses qu’il a crées. Par exemple, un épi de maïs, comment il a pu faire ça ? Et la couleur pourpre, d’où ça peut bien venir ? Les petites fleurs des champs et tout. »

Comment faire pour se soulager, supporter l’insupportable, s’évader de ses conditions de vie….ou plutôt de survie ? Comment combler l’absence d’un être avec lequel on a passé les premières années de sa vie et dont on est subitement séparé ?

Les deux sœurs Celie et Nettie choisissent de s’écrire sans savoir que ni l’une ni l’autre ne recevra le courrier de l’autre.
Celie c’est le vilain petit canard, le mari de sa mère la maltraite, la violente jusqu’à l’abject, sa sœur plus perméable à la scolarisation résiste aux assauts du beau père. Celie est mariée à une brute épaisse, est séparée de Nettie qui s’en ira accompagner des missionnaires en Afrique  pour transmettre, et éduquer.
Et c’est en s’adressant à  son " cher Bon Dieu " que Celie, comme l’ultime recours à cette chienne de vie entame une correspondance à sa sœur dont elle ignore tout , jusqu’à l’endroit où la joindre. C’est tout la détresse d’une jeune fille qui émane de ces lettres touchantes. On y lit toute la rudesse de la société sudiste non éduquée, sexiste, violente, incestueuse.
Il faudra attendre 145 pages avant de trouver d’autres lettres, celles de Nettie, et surtout de comprendre pourquoi : les lettres étaient subtilisées par ce mari odieux.
Bien résolue à voir changer les choses, Celie trouvera la rédemption dans les bras d’une femme. Si compte tenue de l’époque, la chose peut paraître choquante, hors norme, voir complètement taboue, c’est avec bienveillance et soulagement pour elle que je la vois se libérer de ses sordides années d’enfance. Auprès d’elle on la sent évoluer, reprendre confiance.
Et quand Celie retrouvera les lettres de Nettie, ce n’est plus au Bon dieu qu’elle écrira mais à sa "chère Nettie».
Ce sont ces circonstances qui explique que la correspondance n’est pas présentée de manière traditionnelle, c’est à dire avec une alternance de courrier au grès de leur envoi et réception, mais regroupée.
En ce qui concerne le style, l’auteur est parvenue à rendre encore plus vivante cette correspondance avec un langage parfaitement adapté au niveau d’éducation et d’alphabétisation des deux sœurs. Si celui de Nettie est de bonne facture, celui de Celie est proche du parler familier, et sans faire de vilain jeu de mot, de l’ordre du "petit nègre", sans que cela gène la lecture.

Cette correspondance apporte une réflexion intéressante à propos de la religion, et de sa pratique.
« Et alors ? S’il (le bon Dieu) ouvrait ses oreilles toutes grandes pour écouter les femmes noires, le monde ça serait quand même autre chose, c’est moi que j’te l’ dis. »
« Tout ce que j’ai senti de divin à l’église, c’est moi qui l’ai amené. Et à mon idée c’est pareil pour tout le monde. Les gens viennent là pour y mettre ensemble leurs petits morceaux, de bon Dieu, comme dans un puzzle tu sais ; pas pour le trouver. »
 Alice Walker-Robert Laffont, pavillons poche-350 pages

Alice Malsenior Walker, est une écrivaine et une militante féministe américaine, née en 1944 à Eatonton (Géorgie)

Walker possède des origines afro-américaine, Cherokee, écossaise et irlandaise. Elle entame ses études au Collège Spelman (Atlanta, Géorgie) et est diplômée en 1965 au Collège Sarah Lawrence (Yonkers, New York). Elle a été mariée à Mel Leventhal de 1967 à 1976. Ensemble, ils ont eu une fille, Rebecca Walker, qui devient également écrivaine et militante
Elle écrit des romans, des nouvelles, des essais et des poèmes. Ces écrits mettent en valeur la lutte des femmes de couleur contre le racisme, le sexisme et la violence répandus dans la société américaine. Elle se proclame ouvertement bisexuelle.
Elle a composé son premier recueil de poésies lors de sa dernière année au Collège Sarah Lawrence. Elle suspend son activité d'écriture lorsqu'elle s'installe avec Leventhal dans le Mississipi et qu'elle rejoint le Mouvement des droits civiques.
En plus des nouvelles et des poèmes, elle écrit son premier roman, The Third Life of Grange Copeland, en 1970. En 1976, paraît Meridian; ce livre raconte la lutte des militants pour les droits civiques dans le Sud, et Walker y relate certaines de ses propres expériences.
En 1982, elle publie La Couleur pourpre qui deviendra son roman phare. Le roman obtient le Prix Pulitzer de la Fiction et le National Book Award en 1983. Il sera adapté au cinéma en 1985 par Steven Spielberg et en comédie musicale en 2005 à Broadway.
Elle s'engage en politique en partie sous l'influence d'Howard Zinn qui a été l'un de ses professeurs au Collège Spelman. Elle a milité longtemps dans les années 1960 dans le mouvement pour les droits civiques, et elle continue à défendre l'égalité des droits pour tous.
Elle s'illustre dans la défense de l'environnement, le féminisme, la protection des animaux et a fait campagne contre les mutilations génitales des femmes (voir excision et infibulation). Elle s'est aussi engagée pour la cause cubaine, notamment contre l'embargo, et s'est rendue à plusieurs reprises à Cuba.

Challenge ABC/Babélio, 21/26 [W]
Challenge 26 livres/26 auteurs,15/26 [W]

Lu dans le cadre du challenge la littérature fait son cinéma organisé par Will    
Lu également dans le cadre du challenge épistolaire organisé par petite bouquinette, et  à la découverte des livres  



  Pour la Géorgie 2/50

4 commentaires:

  1. participation au challenge enregistrée :)
    un joli billet qui donne envie de découvrir la couleur pourpre !

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  2. Je ne savais pas qu'il existait un livre d'où venait le film. J'ai beaucoup aimé ce dernier. Du coup, je ne lirais surement pas le livre, comme pour tous ceux ayant donné naissance à un film (sauf si je n'ai pas vu le film) car je suis incapable de me détacher des images vues, et j'ai énormément de mal a enter dans les livres, après.

    Bon été, bon courage pour tes trois challenges.

    Biz

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  3. Il a l'air très intéressant celui-ci, merci pour cette découverte !

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  4. J'ai uniquement vu le film, mais tu me donnes bien envie de découvrir le livre. Chouette participation pour le challenge sur les états !

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