vendredi 11 novembre 2011

De l'amour, de la mort, de Dieu et autres bagatelles


Allègre et profond, Lucien Jerphagnon, philosophe et historien, alterne souvenirs, anecdotes, réflexions piquantes ou sérieuses, dans le récit d'un étonnant parcours, qui l'a mené de Jankélévitch à saint Augustin. Le livre d'un sage qui, tels les anges loués par Chesterton, ne vole si haut que parce qu'il se prend à la légère. "Depuis les origines jusqu'à nos jours, la vocation première de la philosophie a toujours été de promouvoir en l'homme la conscience de lui-même et du monde, afin de réaliser, en lui et autour de lui, ce que les Grecs appelaient eudaimonia et les Romains beata vita, autrement dit une vie harmonieuse parce que conforme à sa destinée, et heureuse parce qu'harmonieuse..."
Comme souvent, je découvre un auteur au moment où il s’en va. Paru quelques semaines avant le décès de Lucien Jerphagnon, ce livre serait me probablement passé inaperçu. Il aura donc suffi que l’on parle de son auteur, pour aiguiser ma curiosité, et l’opportunité offerte par News Book pour le lire ; je l’en remercie ainsi que les éditions Albin Michel. J’aime de temps à autre délaisser le roman pour les choses de l’esprit.

Dans cet ultime ouvrage, le philosophe s’est entretenu avec Christiane Rancé, journalistes chef de service « enquête » au Figaro, essayiste, et romancière. Il y a autant de chapitres que de thèmes abordés, qu’ils soient sérieux ou plus légers, d’où les autres bagatelles du titre. J’ai trouvé la conduite de l’entretien très vivante, avec une grande variété de type de question.

Si les grandes questions philosophiques me restent encore et toujours de l’ordre de l’inaccessible, j’ai apprécié la volonté de l’auteur d’être compréhensible. J’ai diversement goûté aux sujets abordés, mais, ce genre d’ouvrage me réconcilie avec la philo.

Lucien Jerphagnon revient sur toute une vie dédiée non pas à la philosophie, mais à l’histoire de la pensée, comme il l’explique modestement : « En tant que philosophe, je ne me voyais pas créer un étage supplémentaire à la tour de Babel. » Mais c’est sur toute une vie qu’il revient en distillant tout au long de sa réflexion, sagesse et bon sens.

« Nul ne souffle plus haut qu’il n’a l’esprit »

En effet, au-delà de la consistance du propos, j’ai trouvé ce livre reposant, amusant par moment. Et ceci sans céder à la facilité de langage, semant, ici où là ses entretiens de locutions latines, et grecques.

Commenter un essai, philosophique, est délicat… à vrai dire un peu angoissant. Je ne sais pas trop si j’ai réussi à me faire comprendre. Si certains peuvent appréhender l’abord d’un tel ouvrage, il peut facilement se picorer, se lire dans le désordre, par petits morceaux, au milieu d’autres lectures. Il n’a rien de pompeux, ni d’intello tout en étant intellectuellement relevé, et abordable. Parole de quelqu’un qui n’a pas encore les clés de la "maison philosophie".

Lucien Jerphagnon-Albin Michel (août 2011)-262 pages
Né à Nancy le 07/09/1921, et décédé à Rueil-Malmaison, le 16/09/2011
Professeur émérite des universités, Lucien Jerphagnon est membre correspondant de l'Académie d'Athènes, lauréat de l'Académie française et de l'Académie des sciences morales et politiques.
Spécialiste de la pensée grecque et romaine, auteur d'une vingtaine d'ouvrages, correspondant de plusieurs revues scientifiques étrangères, il a notamment publié Les Dieux et les Mots, Histoire de la pensée de l'Antiquité au Moyen Age (Tallandier), et une édition des Œuvres saint Augustin dans la Bibliothèque de la Pléiade.


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