« Pour apprendre à lire à Jules, il
faut commencer par connaître Jules. »
Lire et
écrire, quoi de plus normal pour la plupart d’entre nous, puisque c’est le
premier des apprentissages, et qu’il est une seconde colonne vertébrale sans
laquelle la vie n’est pas tout à fait pareille. Et pour cause sans la maitrise
de la lecture, pas d’autonomie possible, pas de vie normale permise ; rien
que la débrouille, l’esquive, et le repli sur soi.
Édith est
traductrice, et appartient à ce que les sociologues appellent la classe moyenne
supérieure. Fadila qu’elle emploie comme femme de ménage, est marocaine, ne
sait ni lire ni écrire, et sa vie n’est que galère. Édith, dans un élan
humaniste, et profondément bienveillant se propose de le lui apprendre ;
Fadila, avec une volonté de fer, et ce malgré ses soixante-cinq ans, se lance
dans cette aventure ô combien périlleuse.
Laurence Cossé met beaucoup d’elle dans ce roman, qui en réalité est en grande partie un
récit. Avec beaucoup de délicatesse, elle montre combien être analphabète
aujourd’hui est une humiliation dans une société comme la nôtre, où tout passe par l’écrit. Ne pas maîtriser la
langue, c’est s’exclure, et se faire exclure, c’est s’offrir en pâture aux escrocs de tous poils.
Laurence Cossé ne casse de le montrer tout au long de ces pages.
Forte de son
expérience d’alphabétisation d’un enfant, elle va faire preuve d’ingéniosité,
mais surtout de beaucoup d’humilité pour tenter d’apprendre à lire à une femme
adulte. C’est en apprenant à connaitre Fadila, qu’elle va adapter ses méthodes. Édith tâtonne, essaie, reformule, se fait pratique et pragmatique, sans jamais
pénaliser, ni rabaisser Fadila. Parce qu ’Édith ne tarde pas à se rendre compte,
que contrairement à ce qui se passe chez l’enfant, l’apprentissage de la lecture
chez les adultes n’est pas linéaire, elle va s’adapter sans cesse à Fadila. Les
rapports humains qui s’établissent entre les deux femmes vont être bénéfiques
autant à l’une qu’à l’autre. C’est en rentant à pas feutrés dans la vie de
Fadila, que, petit à petit, Édith va comprendre ce qui a amené Fadila dans cette
situation.
C’est avec
beaucoup de naïveté que j’ai « touché du doigt » un problème sociétal
dont on parle de plus en plus, mais pour lequel il me manquait ce petit quelque
chose indispensable pour comprendre un peu mieux, et surtout ne plus être aussi tranchée sur la question.
L’écriture, et le style sont minutieusement adaptés aux
personnages, avec le souci de coller à la réalité sans devenir caricatural, ni discriminant.
Il y a beaucoup de sensibilité et de délicatesse dans cet ouvrage qui a le
mérite de soulever une problématique, d’amorcer des réponses avec toute l’humilité
que cela demande.
Les amandes amères, Laurence Cossé
Gallimard, collection la blanche-Septembre 2011
220 pages
4ème de couverture :
Découvrant
que Fadila ne sait ni lire ni écrire, Édith entrevoit à quel point la vie est
compliquée pour un analphabète et combien c'est humiliant. Elle lui propose de
lui apprendre à lire le français. Fadila n'est pas jeune. Édith n'est pas
entraînée. L'apprentissage s'avère difficile. Ce qui semblait acquis un jour
est oublié la semaine suivante.
Si Fadila a
tant de mal à progresser, c'est que sa vie entière est difficile. Ce n'est pas
une marginale. Elle a une famille, un toit, du travail. Mais la violence a
marqué son rapport aux autres, depuis l'adolescence. Elle a de la rancœur
contre son Maroc natal et, en France, elle ne se fait pas à la solitude. Elle
vit dans une perpétuelle inquiétude.
Édith, de
son côté, se sent de plus en plus démunie dans cette aventure dont elle a pris
la responsabilité et qui va l'entraîner beaucoup plus loin qu'elle n'aurait
cru.
Une amitié
singulière, rugueuse et douce, amère, cocasse.
A propos de l'auteur
Romancière
et nouvelliste née en 1950, Laurence Cossé a récemment publié aux Éditions
Gallimard La femme du Premier ministre (collection blanche, 1998, Folio n°
3403), Le mobilier national (collection blanche, 2001, Folio n° 3665), Le 31 du
mois d’août (collection blanche, 2003, Folio n° 4152), Vous n’écrivez plus ?
(collection blanche, 2006), Au bon roman (collection blanche, 2009, Folio n°
5074).
Elle a été
journaliste et critique littéraire (Le Quotidien de Paris), et
producteur-délégué à France-Culture (Radio France). Dans ce cadre, elle a
notamment réalisé des interviews d'Andreï Tarkovski, de Jorge Luis Borges, ou
de Suzanne Lilar.
35ème ouvrage pour le challenge de Hérisson
Pour le défi d'Opaline
Je suis contente qu'il t'ait plu. Tu en parles très bien
RépondreSupprimerUn livre qui m'a beaucoup plu et que j'ai trouvé très "juste". J'ai appris beaucoup de choses sur l'analphabétisme et un reportage vu il y a qulques semaines sur France 2 m'a montré à quel point le roman était "vrai".
RépondreSupprimerUn thème qui m'intéresse beaucoup!
RépondreSupprimerUn sujet intéressant et si il est bien traité, c't encore mieux. Je note. Merci
RépondreSupprimerJ'avais bien aimé son précédent roman, donc pourquoi pas =D
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