« Tout à l’heure
je ne serai plus ce que je suis et que je n’aime pas être. Je n’aime pas qui je
suis. Je n’aime pas ce qu’il faudrait que je sois, je n’aime pas me réjouir de
cette vie –là, je ne suis pas de cette vie,
je suis d’un autre temps que je n’ai pas su retenir. »
Une journée dans la vie d’un homme Albert, ouvrier chez
Michelin, qui en ce jour de juillet 1961 se trouve à la croisée des chemins. Ce
jour-là, la famille s’apprête à recevoir le premier poste de télévision, pour enfin
voir leur fils ainé mobilisé à la guerre d’Algérie. Le cadet, Gilles, est
passionné de lecture.
Ce roman teinté de nostalgie, et d’odeur d’antan nous fait
toucher du bout des doigts toute la sensibilité qu’un homme ne peut exprimer
autrement qu’avec le geste, et les symboles. Les drames de la vie d’Albert sont
palpables, mais jamais clairement dits. Il y a
Albert, le fils, dont la mère de plus en plus absente s’en va à petit feu.
Il y a Albert, le père qui n’a pu ou su apprivoiser l’ainé, et qui dans un élan
d’amour va confier le cadet aux bon soins d’un instituteur. Il y a Albert, l’époux
dépassé par une épouse éprise de modernité, lui qui n’a d’intérêt que pour l’ordre
ancien. Albert ne s’y retrouve plus, n’a pas sa place dans ce monde qui tourne
trop vite pour lui.
En cette journée d’été la chaleur est là, mais n’accable pas
le lecteur. L’auteur nous offre là une histoire tout en pudeur, sensibilité et
humanité, servie par une écriture soignée. Une histoire de mémoire, d’oubli ,
d’un futur que l’on transmet faute de pouvoir l’accompagner soi-même.
En vieillissant les hommes pleurent, Jean-luc Seigle
Flammarion (janvier 2012)
Grand prix RTL-Lire 2012
247 pages
4ème de
couverture :
9 juillet 1961. Dès le lever du jour, il fait déjà une
chaleur à crever. Albert est ouvrier chez Michelin. Suzanne coud ses robes
elle-même. Gilles, leur cadet, se passionne pour un roman de Balzac. Ce
jour-là, la télévision fait son entrée dans la famille Chassaing. Tous
attendent de voir Henri, le fils aîné, dans le reportage sur la guerre
d'Algérie diffusé le soir même. Pour Albert, c'est le monde qui bascule.
Saura-t-il y trouver sa place ?
Réflexion sur la modernité et le passage à la société de
consommation, En vieillissant les hommes pleurent jette un regard saisissant
sur les années 1960, théâtre intime et silencieux d'un des plus grands
bouleversements du siècle dernier.
A propos de l'auteur
Jean-Luc Seigle est un auteur et scénariste français pour la
télévision et le cinéma. Il a publié quatre romans : La nuit dépeuplée en 2001,
Le sacre de l'enfant mort en 2003, Laura ou Le secret des des 22 lames en 2006
et En vieillissant les hommes pleurent en 2012.
Cinq étoiles, les années 60 et un beau titre, je note, je note !
RépondreSupprimerÉvidemment avec une telle chronique, je passerai sûrement de l'intention à la lecture. Je crois qu'il est à la bibliothèque.
RépondreSupprimerQuel belle chronique! Je l'ajoute directe dans ma Wish!
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