samedi 19 mai 2012

En vieillissant les hommes pleurent


« Tout à l’heure je ne serai plus ce que je suis et que je n’aime pas être. Je n’aime pas qui je suis. Je n’aime pas ce qu’il faudrait que je sois, je n’aime pas me réjouir de cette vie –là, je ne suis pas  de cette vie, je suis d’un autre temps que je n’ai pas su retenir. »

Une journée dans la vie d’un homme Albert, ouvrier chez Michelin, qui en ce jour de juillet 1961 se trouve à la croisée des chemins. Ce jour-là, la famille s’apprête à recevoir le premier poste de télévision, pour enfin voir leur fils ainé mobilisé à la guerre d’Algérie. Le cadet, Gilles, est passionné de lecture.
Ce roman teinté de nostalgie, et d’odeur d’antan nous fait toucher du bout des doigts toute la sensibilité qu’un homme ne peut exprimer autrement qu’avec le geste, et les symboles. Les drames de la vie d’Albert sont palpables, mais jamais clairement dits. Il y a  Albert, le fils, dont la mère de plus en plus absente s’en va à petit feu. Il y a Albert, le père qui n’a pu ou su apprivoiser l’ainé, et qui dans un élan d’amour va confier le cadet aux bon soins d’un instituteur. Il y a Albert, l’époux dépassé par une épouse éprise de modernité, lui qui n’a d’intérêt que pour l’ordre ancien. Albert ne s’y retrouve plus, n’a pas sa place dans ce monde qui tourne trop vite pour lui.
En cette journée d’été la chaleur est là, mais n’accable pas le lecteur. L’auteur nous offre là une histoire tout en pudeur, sensibilité et humanité, servie par une écriture soignée. Une histoire de mémoire, d’oubli , d’un futur que l’on transmet faute de pouvoir l’accompagner soi-même.

En vieillissant les hommes pleurent, Jean-luc Seigle
 Flammarion (janvier 2012) 
Grand prix RTL-Lire 2012
247 pages


4ème de couverture :
9 juillet 1961. Dès le lever du jour, il fait déjà une chaleur à crever. Albert est ouvrier chez Michelin. Suzanne coud ses robes elle-même. Gilles, leur cadet, se passionne pour un roman de Balzac. Ce jour-là, la télévision fait son entrée dans la famille Chassaing. Tous attendent de voir Henri, le fils aîné, dans le reportage sur la guerre d'Algérie diffusé le soir même. Pour Albert, c'est le monde qui bascule. Saura-t-il y trouver sa place ?
Réflexion sur la modernité et le passage à la société de consommation, En vieillissant les hommes pleurent jette un regard saisissant sur les années 1960, théâtre intime et silencieux d'un des plus grands bouleversements du siècle dernier.
A propos de l'auteur 
Jean-Luc Seigle est un auteur et scénariste français pour la télévision et le cinéma. Il a publié quatre romans : La nuit dépeuplée en 2001, Le sacre de l'enfant mort en 2003, Laura ou Le secret des des 22 lames en 2006 et En vieillissant les hommes pleurent en 2012.

3 commentaires:

  1. Cinq étoiles, les années 60 et un beau titre, je note, je note !

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  2. Évidemment avec une telle chronique, je passerai sûrement de l'intention à la lecture. Je crois qu'il est à la bibliothèque.

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  3. Quel belle chronique! Je l'ajoute directe dans ma Wish!

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