mercredi 24 octobre 2012

Avenue des géants



« L’homme ne nait pas bon pour être ensuite corrompu par la société. C’est un reptile poursuivi par une civilisation à laquelle il essaye en permanence d’échapper. »

Il y a les ouvrages qui ne m’inspirent pas ; le sujet, sans aucun doute qui fait barrage. Avenue des géants est de ceux- là : remarqué, approuvé, mais…rien à faire, il fait peur !!  Et hasard, il m’est arrivé un peu par obligation. Je l’ai ouvert, à reculerons, au dernier moment….et je ne l’ai pas lâché…. Comme quoi !!!
Marc Dugain se met dans la peau d’un type dont on voudrait pour rien au monde croiser le chemin, ni même pour celui de vos pires ennemis.
Librement inspiré d’une histoire vraie, celle du monstre (au propre comme au figuré d’ailleurs) Ed Kemper, Al Kenner dans le livre,  Avenue des géants décortique, dissèque par le mot, et le style la personnalité profonde de Al Kenner. Nous sommes aux USA, juste après l’assassinat de Kennedy ; nous traversons la décennie « peace and love », celle des communautés hippies, de la contre- culture, la période qui marque le retour des vétérans du Vietnam ….
A quelques exceptions près, c’est lui, qui s’exprime. Ce « Je » donne une dimension particulière, et, surtout une légitimité à cette histoire qui ne laisse pas indemne, et laisse son lecteur scotché. Formidablement écrit, Marc Dugain, s’attache à faire parler son personnage, sans chercher à le dédouaner, ni à l’accabler d’avantage.
Personnage cynique, monstre froid, dénué d’empathie, et du moindre amour, Kenner passe son enfance entre un père effacé, malade de ne pouvoir se comporter en homme et qui finira par déserter le foyer, et une mère violente, et castratrice, elle-même habitée par ses propres démons hérités d’une enfance chaotique.

 « Je suis la première femme à avoir fait une fausse couche  menée à son terme. »
« J’aurais eu un fils mongolien, ce ne serait pas pire. Mais qu’est-ce que j’ai fait à Dieu pour mériter une pareille punition ?»

 Sur cette mère qui n’a pas l’once d’amour pour son fils, ce dernier porte un regard tout aussi hostile et habité par le mal. Il recherche désespérément le père.
Manipulateur à souhait, il réussit, durant un temps du moins, à tromper son monde pour mieux s’enfoncer dans sa monstruosité.
L’humour macabre ajoute une touche angoissante supplémentaire à ce roman, pour prendre ainsi dans ses filets, et ce jusqu’à la dernière ligne, un lecteur terrifié par ce personnage, et subjugué par ce qu’en a fait Marc Dugain.

Avenue des géants, Marc Dugain
Gallimard, collection la blanche (13 Avril 2012)
361 pages




4ème de couverture :
Al Kenner serait un adolescent ordinaire s'il ne mesurait pas près de 2,20 mètres et si son QI n'était pas supérieur à celui d'Einstein. Sa vie bascule par hasard le jour de l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Plus jamais il ne sera le même. Désormais, il entre en lutte contre ses mauvaises pensées. Observateur intransigeant d'une époque qui lui échappe, il mène seul un combat désespéré contre le mal qui l'habite.
Inspiré d'un personnage réel, Avenue des Géants, récit du cheminement intérieur d'un tueur hors du commun, est aussi un hymne à la route, aux grands espaces, aux mouvements hippies, dans cette société américaine des années 60 en plein bouleversement, où le pacifisme s'illusionne dans les décombres de la guerre du Vietnam.
A propos de l’auteur :
Marc Dugain est né au Sénégal en 1957. Après des études de sciences politiques et de finance, il a exercé différentes fonctions dans la finance et le transport aérien avant de se consacrer à l'écriture. La Chambre des officiers, son premier roman, paru en 1998, a reçu dix-huit prix littéraires, dont le prix des Libraires, le prix Nimier et le prix des Deux-Magots. Il a été traduit en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux États-Unis. Adapté au cinéma par François Dupeyron, ce film a représenté la France au Festival de Cannes et a reçu deux Césars. Après Campagne Anglaise et Heureux comme Dieu en France, prix du meilleur roman français 2002 en Chine, il signe avec La malédiction d'Edgar un portrait fascinant de J. Edgar Hoover. En 2010, il réalise et porte à l'écran Une exécution ordinaire. Après un recueil de nouvelles salué par la critique, En bas, les nuages, Marc Dugain signe avec L'insomnie des étoiles son sixième roman. Avenue des géants, paru en 2012 est son septième roman.




Roman de la 3ème sélection (retenu par le jury de novembre)





4 commentaires:

  1. Comme quoi, avec des à priori, on pourrait passer à côté de grandes choses. Je suis contente que ce livre t'ait plu. Les sélections Elle n'ont pas fini de nous étonner.

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  2. Quel bel avis communicatif!! Il passe directement dans ma Wish-list!!

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  3. Un énorme coup de coeur pour ce livre !!! Un coup de maitre, par contre, je trouve qu'il faut en savoir le moins possible sur le vrai personnage avant d'entamer la lecture, comme cela, on va de surprise en surprise...

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