« Il y a
beaucoup de mensonges en prison, mais ils sont moins grave qu’ailleurs car ils
sont essentiels. On ment pour exister un peu plus, on se ment pour continuer à
se supporter »
Enseignant
de formation, Philippe Claudel a durant11 ans, pris 3 fois par semaine le
chemin de la prison pour y exercer son art. Pas n’importe quelle prison…la
mienne…enfin celle de ma ville, Charles III….. Un nom qui raisonne en moi comme
le stade ultime si je n’étais pas sage. « Si tu ne veux pas finir à
Charles III, tiens- toi à carreaux, me disait-on souvent » Un endroit
devant lequel je suis passée chaque jour, parce que sur mon chemin, tout
simplement ; un endroit qui n’est plus, mais dont le fantôme est encore
bien présent….
Bref
un endroit où personne ne rêve d’aller (sauf une de mes copines, mais ça c’est
une autre histoire !!!)
La
prison, lieu de toutes les misères, lieux où se croisent petits malfrats, comme
les assassins, ou les trafiquants, lieux où vivent des hommes et des femmes, et
même enfants, lieux de vie, tout simplement.
Philippe
Claudel livre de manière libre, et dispersée réflexions, expériences et anecdotes
de ses années où il allait à prison apporter un peu d’autre chose, écouter,
aider.
« Je sais
qu’en moi, profondément, je n’ai jamis pu me persuader de la réalité des crimes
commis par les détenus que je rencontrais chaque semaine. Peut-être moi aussi
avais-je besoin de m’arranger avec cette réalité pour continuer à vivre, à
venir en prison, à être dans ce lieu, à y passer des heures. Tout était ainsi
amorti par une distance quasi cinématographique. Je rejetais l’horreur de l’autre
sur un écran. »
C’est
avec une certaine distanciation qu’il y va, sans juger, mais conscient de ses limites.
Le
côté brouillon de ce récit laisse penser à une sorte d’urgence d’écrire et de
se souvenir des hommes croisés durant ses années.
Cette
expérience humaine au milieu de l’inhumanité
carcérale se lit rapidement, mais s’imprime durablement dans la mémoire.
Je
laisse à Philippe Claudel le dernier mot…. « Ce peut être un témoignage ou, plus exactement, un faux
témoignage, car il me manque quelque chose d’essentiel pour parler de la
prison, c’est d’y avoir passé une nuit. Je ne sais pas au fond si l’on peut
parler de la prison quand on y a jamais dormi. »
Le bruit des
trousseaux, Philippe Claudel
Stock (Janvier
2002)/Le livre de poche (Décembre 2003)
98/118 pages
4ème
de couverture :
«
Le regard des gens qui apprenaient que
j'allais en prison. Surprise, étonnement, compassion. "Vous êtes bien
courageux d'aller là-bas!" Il n'y avait rien à répondre à cela. Le regard
me désignait comme quelqu'un d'étrange, et presque, oui, presque, quelqu'un
d'étranger. J'étais celui qui chaque semaine allait dans un autre monde. Je
pensais alors au regard qui se pose sur celui qui dit : "Je sors de
prison." Si moi, déjà, j'étais l'étranger, lui, qui était-il pour eux ?
»
L'endroit en question, en 2009, année du transfert des détenus au nouvel établissement pénitentiaire.
Aménagée en 1857 dans un ancien couvent, elle était lors de sa fermeture
en juin 2009, l'une des plus vieilles (et vétustes) de France. 350
détenus l'occupaient alors pour 259 places.
Depuis les bâtiments ont été rasés , et devraient laisser place à un éco-quartier.
Ainsi tu as aimé, je m'en doutais
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas ce titre, je le note.
RépondreSupprimerMerci pour ta critique.
J'aime beaucoup la plume de Philippe Claudel. Je garde un souvenir fort de ses livres "Les âmes grises" et "La petite fille de Monsieur Linh". Il est en dédicace à Metz jeudi prochain. Je vais essayer d'y aller. Ton billet me donne envie de lire ce livre, alors que le thème ne m'aurait pas attiré de prime abord.
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