« Père, ô
père, on m’a dit que tu étais mort, que tu avais été tué à la guerre. Tu étais
celui qu’il était interdit de mentionner
dans la maison où j’ai grandi ; j’ai dû t’inventer dans ma tête. Jusqu’au
jour où des mots écrits t’ont soudain donné vie. Tu n’étais pas le héros
américain blanc que j’avais supposé : tu étais celui qui aujourd’hui se
tient devant moi. Grand, sombre et beau. »
Il travaille ensuite
chez un installateur de matériel d’isolation où, selon ses propres paroles, il
« apprend la valeur éthique du travail ». Il tente de devenir chanteur, ouvre
des petits commerces, mais retourne brièvement en prison. C’est là qu’il décide
d’écrire. Son premier livre, terminé en 1985, sera refusé. En 1990, Alan Duff
fait paraître L’Âme des guerriers qui connaît un succès phénoménal, sans doute
à cause de son réalisme violent et de son point de vue très critique sur la
position des Maori dans la société néo-zélandaise. Dès lors, Alan Duff sera au
centre d’une controverse qu’il ne cessera d’alimenter par des propos tenus dans
une chronique hebdomadaire reproduite par plusieurs journaux. Dans son essai
Maori : The Crisis and the Challenge (1993), il accuse les Maori d’être trop
passifs et d’attendre l’aide de l’État
Elevé
au sein d’une famille Maori, Yank connait le sort de beaucoup de gamins né
durant la guerre : celui d’être un fils illégitime, à la fois rejeté et aimé ; un enfant pas
tout à fait comme les autres qui se construit en marge, et grâce à la force de
ses rêves.
Son
rêve à lui, c’est un père qu’il imagine riche et puissant. Un père qui s’avérera
être différent, mais qui lui transmet en héritage la musique, mais aussi la
conscience du sort des bannis, des laissés pour compte, et des injustices de
toutes sorte.
Il
se dégage beaucoup de force et de caractère de ce roman servi par une écriture
musclée, et un mode narratif qui, au départ, peut rebuter le lecteur, mais est
finalement assez vite adopté. L’auteur prend la liberté de perdre son lecteur
en déplaçant souvent les points de vue ; sans doute pour montrer la
complexité de la situation et des
sentiments qui animent chacun des personnages.
D’un
sujet intimiste comme la recherche d’identité, à ceux plus général comme les
droits de l’Homme et le respect de la dignité humaine, Alan Duff, entre
Nouvelle Zélande et le vieux sud-américain, donne à son roman humanité et grandeur.
Un père pour mes
rêves, Alan Duff
Actes Sud (Mai
2010)
368 pages
4ème
de couverture :
Fruit
d’une brève liaison, pendant la Seconde Guerre mondiale, entre une jeune femme
maorie, dont le mari est parti sur le front, et un GI de passage, Mark, que
chacun surnomme “Yank” (le Yankee), doit apprendre à endurer le mépris dont la
communauté de Waiwera, petit paradis thermal néo-zélandais, accable sa mère
depuis le retour au pays de son mari Henry, archétype du guerrier maori.
Maltraité
par son beau-père avant d’être condamné à vivre avec sa mère en marge de la
société, Yank survit, loin du quotidien des familles maories ravagées par
l’alcoolisme et la violence, grâce à la présence de quelques fi gures aimantes
et au fantasme salvateur qu’il entretient d’un père fortuné et rayonnant aux
allures de John Wayne ou d’Elvis Presley, son idole. Son vrai père, Jess Hines,
s’étant, contre toute attente, enfi n manifesté, Yank apprend, à sa grande
déception, que la réalité est tout autre.
Devenu
musicien professionnel, Yank, alors âgé de vingt ans, entreprend le voyage au
bout duquel il va enfi n rencontrer son père et prendre conscience du sort
terrible que l’Amérique du Ku Klux Klan réserve à Jess Hines et à ses
semblables.
Porté
par une écriture puissante et volontiers subversive, ce roman de deux peuples,
Maoris et Noirs américains, résonne des intonations de Martin Luther King et
des protest songs de Bob Dylan, mais aussi des cris de tous les damnés de la
terre auxquels il rend un hommage bouleversant d’humanité.
A propos de
l’auteur :
D’Alan
Duff, écrivain néo-zélandais né à
Rotorua , le 06/10/1950, et actuellement
installé en France, Actes Sud a déjà publié L’Ame des guerriers (1996 et Babel
n° 536), Nuit de casse (1997), Les Ames brisées (2000 et Babel n° 778).
Né
d’une mère maori et d’un père pakeha, Alan Duff est sans doute l’écrivain
néo-zélandais vivant dont le nom est le plus connu à l’étranger.
Son
grand-père paternel, Oliver Duff, a fondé The Listener, l’hebdomadaire le plus
important de Nouvelle-Zélande. Après la séparation de ses parents quand il
avait dix ans, Alan Duff a vécu chez un oncle et une tante maori à
Whakarewarewa. Rebelle, expulsé de l’école, il se joint à une bande de jeunes
et, après plusieurs délits, se retrouve dans une maison de redressement.
Pour le challenge de Calypso, lecture autour du mot rêve.
Tout à fait le genre de livres que j'aime lire et dont je suis certaine qu'il m'apportera beaucoup !
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