Il
y a plusieurs manières de parler de l’inceste ; Sylvie Germain a choisi d’emprunter le langage du conte, et
une écriture riche et lumineuse pour accompagner la détresse et la solitude d’une
enfant.
Lucie
(étrange coïncidence de ce prénom porteur de lumière, avec la scène inaugurale que
décrit Sylvie Germain, très belle) a huit ans ; elle est arrivée dans sa
famille un peu par hasard, à la faveur d’un remariage de sa mère qui voue un
culte à son Epoux décédé, héros de la guerre, et à son petit Roi-soleil de fils. Pour Aloïse, le
monde s’arrête là. Lucie, doit s’en accommoder. Il y a son ami Louis –Félix, l’astronome en herbe,
son jumeau, il y a la nature, les marais, les crapauds, ce père effacé et
ignoré de sa femme qui se réfugie dans son garage pour converser avec le monde
entier.
Et
puis il y a l’ogre, ce salaud silencieux
qui tue au propre comme au figuré.
« Du jour où l’ogre a fait main basse sur
elle, plus jamais Lucie n’a connu la vraie joie. La première chose que dévora l’ogre
en elle, ce fut précisément la joie. »
Lucie
à sa manière va lutter, prier, se taire, s’enfermer, s’isoler, souffrir. Mais
Lucie, c’est un trésor de force intérieure, et de pardon.
« Elle a enfin retrouvé le goût de voir par-delà
la honte et la frayeur. Elle a reconquis un regard, et cela avec une force inespérée
car elle l’a redressée loin des humains, tant adultes qu’enfant ; elle l’a reconquis auprès
des bêtes et des bestioles les plus déconsidérées, sinon réprouvée. »
La
prose de Sylvie Germain est incontestablement belle, imagée, riche,
pléthorique, exubérante. Elle passe très bien ici, parce que ce vocabulaire est
au service d’une histoire, d’un sujet, d’un personnage. En revanche je ne suis
pas certaine que dans un registre plus imaginaire, j’y sois plus perméable.
Cette
écriture chargée, trop sans doute pour celles et ceux que la sobriété attire
davantage, vaudra pour moi un usage parcimonieux pour continuer à apprécier à
sa juste valeur cette plume singulière .
L’enfant
méduse, Sylvie Germain
Gallimard,
Mars 1991 / Folio, Septembre 1993
320/288
pages
4ème de
couverture :
Une
petite fille, Lucie Daubigné, vit une enfance paisible et heureuse dans un
village du Berry, au cœur des landes et des marais peuplés d'oiseaux,
d'insectes, de crapauds et de fées invisibles. Les voix des bêtes, du vent et
des légendes restées vivantes tissent le chant de la terre. Un chant plein de
douceur.
Mais
le calme bonheur du lieu et de l'enfance est soudain brisé. Un ogre rôde dans
le pays, avide de corps de petites filles. La douleur et le deuil se lèvent sur
son passage. Lucie devient la proie de l'ogre. Mais, si celui-ci ne la tue pas,
comme ses autres victimes, il détruit peu à peu en elle l'innocence, la joie de
vivre, l'amour et la bonté. Lucie, rongée par son secret de honte et de
souffrance, se transforme en une créature maigre, laide et haineuse. Elle
s'ensauvage. Le chant de la terre devient un chant de guerre et de vengeance.
Armée de la seule force de son regard, l'Enfant Méduse entreprend le combat
contre l'ogre. Lucie vaincra, mais ni la paix, ni l'innocence ne lui seront
rendues. La douleur, la violence et la haine ont pris trop profondément racine
en elle. Il faudra longtemps à Lucie, très longtemps, pour réapprendre à vivre
en paix avec le mal, avec les autres et elle-même...
Je n'ai pas lu ce livre de Sylvie Germain. Je le note même si le sujet est un peu difficile.
RépondreSupprimer