Parler
de coup de cœur, me semble ici déplacé, compte tenu du sujet. L’histoire que je
viens de lire tient davantage du coup de poing reçu en pleine face.
Parler
des camps, quand on n’y est pas passé peut relever de la provocation, de l’imposture,
ou du voyeurisme.
Dans
ces lieux de mort, se cachaient d’infimes
parcelles de vie , où ces petits corps arrivés là par miracle étaient de
petites bulles d’espoir pour ces femmes, et ces mères qui n’en avaient plus
guère.
Accompagnons
Mila, arrivée là avec sa cousine Louisette, sous l’étiquette de prisonnière
politique.
Vivons,
au présent cette déshumanisation progressive et cet acharnement viscéral à
donner la vie ici, et surtout à préserver ces petits êtres de l’innommable.
Ce
qui frappe, c’est le vocabulaire. D’abord, il est axé sur le corps, comme
souvent dans l’œuvre de Valentine Goby. Ces corps que l’ont « voit «
dépérir de jour en jour, ces corps souillés, violentés, et délaissés. Ces corps
qui ne sont plus que douleur et crasse.
Valentine
Goby n’épargne pas son lecteur. Elle mobilise tous ses sens pour qu’il ne s’éloigne
à aucun moment de ce cloaque à ciel ouvert.
L’écriture
se veut précise, saccadée, hachée. La tournure des phrases est sans cesse en
changement ; le présent utilisé donne une sorte de mouvement qui maintient
là le lecteur ; surtout ne pas le détourner, ne lui laisser aucun répit…
Un
livre coup poing, qui ne se laissera pas oublier de sitôt.
Kinderzimmer, Valentine Goby
Aces Sud, Août 2013
220 pages
Prix des libraires 2014 ( édit du 14/05/2014)
Prix des libraires 2014 ( édit du 14/05/2014)
Pour le challenge d'Asphodèle: Prix des libraires 2014
4ème de
couverture :
“Je vais te faire embaucher au Betrieb. La
couture, c’est mieux pour toi. Le rythme est soutenu mais tu es assise.
D’accord ?
– Je ne sais pas.
– Si tu dis oui c’est
notre enfant. Le tien et le mien. Et je te laisserai pas.
Mila se retourne :
– Pourquoi tu fais ça ?
Qu’est-ce que tu veux ?
– La même chose que toi.
Une raison de vivre.”
En
1944, le camp de concentration de Ravensbrück compte plus de quarante mille
femmes. Sur ce lieu de destruction se trouve comme une anomalie, une
impossibilité : la Kinderzimmer, une pièce dévolue aux nourrissons, un point de
lumière dans les ténèbres. Dans cet effroyable présent une jeune femme survit,
elle donne la vie, la perpétue malgré tout.
Un
roman virtuose écrit dans un présent permanent, quand l’Histoire n’a pas encore
eu lieu, et qui rend compte du poids de l’ignorance dans nos trajectoires
individuelles.
A propos de l’auteur :
Valentine
Goby est née en 1974. Elle est notamment l’auteur de L’Échappée (Gallimard,
2007), Qui touche à mon corps je le tue (Gallimard, 2008), Des corps en silence
(Gallimard, 2010) et Banquises (Albin Michel, 2011). Elle écrit également pour
la jeunesse. Kinderzimmer (Actes Sud, 2013) est son huitième roman.
J'au eu la même réaction que toi car je trouvais que le terme coup de coeur était déplacé vu le sujet.. mais c'en est un !
RépondreSupprimerElle est vraiment superbe ta chronique. Et je suis ravie que tu ais aussi bien défendu ce livre.
RépondreSupprimerSans doute que je relirai ce que j'avais lu d'elle; J'appréhende mieux son écriture, me semble t-il.
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