Valérie
Zenatti m’avait laissé une très belle impression avec En retard pour la guerre,
son premier roman. Je la retrouve pour son dernier opus publié. Le plaisir de
la lire est toujours là, et sans aucun doute plus viscéral tant elle sait doser
les émotions qu’elle donne à ses lecteurs.
L’Algérie
est encore française, les différentes communautés s’accommodent plus ou moins
entre elles, mais parviennent encore à vivre ensemble. Les juifs ont été
déclarés indignes d’être des français comme les autres, sont privés d’études,
mais encore assez bons pour aller défendre la mère patrie, et se faire tuer
pour elle.
La
famille Melki est de ceux- là ; des gens humbles, et travailleurs. La vie n’est pas facile, la
cohabitation intergénérationnelle est frustrante. La dureté éducative surprend.
La place réservée aux femmes est réduite au strict minimum. Les hommes
décident, se font servir. Les enfants obéissent.
« Elle refuse de songer aux deux bébés qui
sollicitent son attention, ils n’ont pas besoin d’elle, sont aussi
insignifiants que des chatons aveugles, alors que la vision de Gabriel dans la
cave avec les rats a envahi son esprit, elle devine ce que Haïm et Abraham ont
fait, elle sait qu’elle n’y pense même plus, les larmes silencieuses coulent
sur ses joues, elle pleure parfaitement sans bruit, ça fait onze ans qu’elle
s’entraine ».
Madeleine,
la belle fille, parfaite génitrice, déracinée s’étiole à petit feu dans cette
famille qui l’ignore, et avec un mari qui la rudoie, elle ,et son garçon
Gabriel.
Jacob,
ou plutôt Jacob, Jacob, c’est le dernier, le rayon de soleil de Rachel, sa
mère. Jacob est intelligent. Mais, voilà, en 1944, il a l’âge d’aller faire la
guerre, et d’aller bouter les allemands hors de France.
Jacob
est arraché à Rachel. Rachel, c’est la mère courage, la mère juive jusqu’au
fond de ses entrailles.
« Rachel qui ne sentait plus la force d’aimer
personne, d’aimer la vie s’il fallait connaitre l’arrachement, à quoi ça lui
servirait de vieillir si ça lui signifiait de s’éloigner de Jacob…. »
Des
phrases longues, qui laissent presque à bout de souffle, qui entrainent, qui
attristent. Cette écriture, un peu singulière, donne à cette histoire
dramatique la beauté dont ce monde est dénué. Elle est puissante,
précise ; les mots sont ciblés.
Jacob
Jacob, c’est la jeunesse sacrifiée ; le symbole d’une génération perdue.
Chez Valérie Zenatti, la guerre est omniprésente ; les époques changent,
mais au fond, rien ne change.
Lecture commune avec Jostein .
Jacob, Jacob, Valérie Zenatti
Editions de
l’Olivier, Août 2014
168 pages
4ème de
couverture :
Jacob,
un jeune Juif de Constantine, est enrôlé en juin 1944 pour libérer la France.
De sa guerre, les siens ignorent tout. Ces gens très modestes, pauvres et
frustes, attendent avec impatience le retour de celui qui est leur fierté, un
valeureux. Ils ignorent aussi que l’accélération de l’Histoire ne va pas tarder
à entraîner leur propre déracinement.
L’écriture
lumineuse de Valérie Zenatti, sa vitalité, son empathie pour ses personnages,
donnent à ce roman une densité et une force particulières.
A propos de
l’auteur :
Valérie
Zenatti est née à Nice en 1970. En 1983 elle part vivre avec sa famille en
Israël. De retour en France en 1990, elle étudie la langue et littérature
hébraïque, exerce différentes activités, dont le journalisme et l'enseignement.
Elle publie des livres pour la jeunesse à l'École des loisirs (dont Quand
j'étais soldate et Une bouteille dans la mer de Gaza, prix Tam-Tam 2005),
traduit les œuvres d'Aharon Appelfeld, et a publié trois ouvrages aux éditions
de l'Olivier : En retard pour la guerre (2006), Les Âmes sœurs (2010) et
Mensonges (2011).
Très belle chronique qui montre bien toutes les facettes du récit et finit sur ce style qui donne toute l'intensité aux personnages. Merci pour cette lecture commune
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