samedi 19 septembre 2020

Betty

 

″Devenir femme c’est affronter le couteau. C’est apporter à supporter le tranchant de la lame et les blessures. Apprendre à saigner. Et malgré les cicatrices, faire en sorte de rester belle et d’avoir les genoux assez solides pour passer la serpillère tous les samedis. Ou bien on se perd, ou bien on se trouve.

De ces héroïnes qui marquent, il y a eu Turttle, et Fay ; il faudra désormais compter avec Betty, la petite Indienne !

Betty n’est pas une enfant comme les autres. Née d’un couple mixte, de sa nombreuse fratrie, c’est elle à elle que reviendra l’héritage cherokee paternel. Elle a le teint très mat et absorbe les légendes indiennes que lui raconte son père, et la poésie qui les enveloppe.

Pourtant, dans cette famille, planent de sombres secrets et de bien vilains fantômes.

Betty se raconte tout au long de ces 700 pages ; et plus particulièrement les vingt premières années de sa vie. Betty a sept ans, quand la famille au complet revient en Ohio, prend possession d’une vieille bicoque hantée. Betty note tout ce qu’on lui dit, note tout ce qu’elle voit. Elle enferme ses papiers dans des bocaux, et les enterre au fond de la propriété.

Betty n’est pas comme les autres ; elle a son père avec lequel elle entretient une relation fusionnelle. Son père est une bien belle personne ; sans aucun doute la plus belle de cette famille abîmée, et dont les membres sont inaptes à affronter la vie, ou à maîtriser leurs démons.

C’est avec tristesse que l’on quitte Betty, parce dès les premières pages, on entre corps et âme dans son histoire, et que l’on a qu’une envie, y revenir à l’infini. Betty c’est un hommage émouvant d’une fille, l’auteur, à sa mère qu’elle aime tant.

Betty, c’est une écriture ; pas forcément singulière, mais parcourue de métaphores et de symboles, éclairée ici ou là de moment de poésie pure qui vient scier les passages nettement plus révoltants et abjectes. Car s’il y a de la violence, du sordide, il y a aussi de grands moments lumineux dans ce roman ; et c’est justement ceux-là que l’on retiendra.

Betty, c’est aussi une ode à la cause indienne, elle qui fût toute sa scolarité durant, le bouc-émissaire de ses camarades, parce que justement pas comme les autres.

Ce livre a amplement mérité le coup de cœur du jury de lecteurs Fnac.

Betty de Tiffany McDaniel, traduit de l’américain par François Happe, chez Gallmeister (Août 2020, 720 pages)

Tiffany McDaniel vit dans l’Ohio, où elle est née. Son écriture se nourrit des paysages de collines ondulantes et de forêts luxuriantes de la terre qu’elle connait. Elle est également poète et plasticienne. Son premier roman, ″L’Été où tout a fondu″, est à paraître aux éditions Gallmeister.

 


 


 


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