mercredi 9 décembre 2020

Apeirogon

 Le conflit Israélo-palestinien est un serpent de mer vieux comme le monde ou presque ; un conflit compliqué, inextricable où la violence semble être l’unique moteur. La violence ne règne pas au même degré à chaque instant ; elle revient plutôt de manière cyclique. Néanmoins le feu couve en permanence, prêt à être ravivé à la faveur d’un attentat de portée plus forte que l’autre, d’une poussée de colonisation, ou d’une énième intifada.

Écrire sur le sujet demande une prudence de Sioux si tant est que l’on veuille rester le plus objectif possible. Mais au fond, peut-on vraiment l’être ?

D’un côté nous avons Rani, l’israélien dont la famille a connu les camps d’extermination ; de l’autre Bassam, le Palestinien qui a fait de la prison, et subit au quotidien la perte d’identité, de terre, de droits…

Tous deux ont en commun d’avoir perdu une fille assassinée lors d’attentat ou d’attaque.

Tous deux n’ont rien pour s’entendre, alors qu’en réalité ils participent ensemble à une même association pour le dialogue, l’écoute, la promotion de la paix.

Ce roman (est-ce au fond vraiment un roman ?) est une expérience totalement inédite ;


quelque chose de radicalement différent de ce que j’ai pu lire sur le sujet.

Absence de toute linéarité, les chapitres échappent à toute logique temporelle. En outre, la construction peut rebuter plus d’un lecteur. 1001 chapitres, d’une longueur inégale, composent ce roman ; d’abord sur une progression croissante aboutissant à 2 chapitres 500 comportant à mon sens la matière première de nos deux personnages principaux, entourant un chapitre 1001 lui aussi essentiel, puis une progression décroissante cette fois dont le terme du livre sera le chapitre 1.

A cette construction particulière, s’ajoute le parachutage d’un certain nombre de digressions à propos du vol des oiseaux migrateurs, du dernier repas de Mitterrand, et d’une composition originale de John Cage (4 :33 de silence).

Le tout peut parfois paraître indigeste, notamment dans la seconde partie où les redondances se font plus prégnantes. Elles sont une forme de métaphores avec le côté serpent de mer du conflit, que l’auteur illustre par le titre, Apeirogon, sorte de forme géométrique infinie.

D’une certaine façon la guerre a peu de chance de prendre fin un jour, alors misons sur la paix qui est le message que livre l’auteur tout au long de ce roman exigeant et original d’un auteur qui d’un point de vue stylistique s’est renouvelé à chaque fois que je l’ai lu.

Sans doute pas un coup de cœur, mais remarquable à bien des égards.

Lecture commune avec Jostein.

Apeirogon de Colum McCann, traduit de l’irlandais par Clément Baude, aux éditions Belfond (Août 2020, 510 pages)

Né à Dublin en 1965, Colum McCann est l’auteur de six romans, Le Chant du coyote, Les Saisons de la nuit, Danseur, Zoli, Et que le vaste monde poursuive sa course folle, Nartional Book Award en 2009 et Meilleur livre de l’année (Lire), et Transatlantic ; ainsi que de trois recueils de nouvelles, La Rivière de l’exil, Ailleurs, en ce pays et Treize façons de voir, tous parus chez Belfond et repris chez 10/18. Après Lettres à un jeune auteur paru en 2018, texte à dimension autobiographique, Colum McCann nous livre une œuvre hors-norme, entre fiction et non-fiction, sur le conflit israélo-palestinien.

Il vit à New York avec sa femme et leurs trois enfants.

 

 

2 commentaires:

  1. Nous avons des ressentis similaires

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  2. J'ai failli le prendre à la bib. et je l'ai reposé ... il faudra que je revois ça .

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