jeudi 17 décembre 2020

Les impatientes


La vie est faite de patience. On ne patiente jamais assez. Quoi patiente ne le regrettera jamais et personne n’est plus patient qu’Allah.

Elles sont trois ; trois femmes : Ramla, Hindou les deux sœurs et Safira, coépouse de Ramla. Ramla et Hindou sont mariées de force à deux hommes qu’elles n’ont pas choisi, qui les brutaliseront jusqu’à l’extrême. Safira, n’est guère mieux lotie ; première épouse, avec un petit avantage sur les épouses suivantes, n’en subit pas moins la torture morale de voir son époux batifoler avec d’autres plus jeunes et moins défraichies.

Il est difficile le chemin de vie des femmes, ma fille. Ils sont brefs, les moments d’insouciance. Nous n’avons pas de jeunesse. Nous ne connaissons que très peu de joies.(…) J’ai piétiné mes rêves pour mieux embrasser mes devoirs.″

Ce n’est ni le texte rédigé dans un style assez ordinaire, ni la construction à trois voix qui ont le plus d’attrait dans ce roman paru une première fois en Afrique il y a 3 ans.

L’intérêt est en effet ailleurs ; dans l’évocation assez cash de la condition féminine au Sahel. Les femmes ne sont pas plus que les jouets sexuels de leurs maris choisis pour elles par des pères moins soucieux de l’avenir de leurs filles que de leur réputation et/ou aura social. Ne parlons pas des mères, soumises à leur mari, et peu portées sur les sentiments.

Il ne fait pas bon être femme dans cette portion de l’Afrique où la religion cadenasse tous les pans de la société, et enferme la moitié de l’humanité !

Soumises, violées, maltraitées, invisibles, ces femmes ont néanmoins en elles une force vitale inouïe. Patience, tel est le mot dont on les infuse depuis l’enfance. Elles n’ont aucun droit ; elles ont tous les devoirs !

Alors un seul mot, munyal, patience ! Car tout relève ici de ta responsabilité. Tu es le pilier de la maison. A toi de faire des efforts, d’être endurante et conciliante. Pour cela tu devras intégrer à jamais la maitrise de soi, le munyal. ″

Loin d’être un coup de cœur, je m’attendais à être davantage émue par ce livre choisi par les lycéens pour leur prix Goncourt. J’aurais été davantage saisie avec plus d’audace dans le style et l’écriture. Sans doute que les lycéens n’ont pas encore été beaucoup confrontés à cette thématique dans leurs lectures. Ce livre aura au moins quelque chose de salutaire dans leurs futurs rapports avec les femmes !

Les impatientes de Djaïli Amadou Amal aux éditions Emanuelle Colas (Septembre 2020) ; paru à Yaoundé aux éditions Proximité en 2017 sous Munyal, les larmes de la patience.

Djaïli Amadou Amal est une militante féministe et écrivaine camerounaise d'expression française née en 1975.

Elle est la fille d'un père camerounais et d'une mère égyptienne.

Mariée à dix-sept ans dans le cadre d'un mariage forcé, elle a connu ce qui rend difficile la vie des femmes du Sahel. En 1998, Djaïli Amadou Amal parvient à quitter cet homme après 5 ans de vie commune.

Dix ans et un second mariage plus tard, elle quitte un deuxième époux, violent, pour s’installer à Yaoundé. Au moment de la rupture, celui-ci kidnappe ses deux filles pour la punir.

Djaïli Amadou Amal ne baisse pas les bras. Celle qui rêvait d'être journaliste travaille grâce à son BTS en gestion, vend ses bijoux, achète un ordinateur, une table, une chaise et se met à écrire.

Son premier roman "Walaande, l'art de partager un mari", paru en 2010, lui confère une renommée immédiate. Le Prix du jury de la Fondation Prince de Claus à Amsterdam, obtenu dans la foulée de sa parution, vaut à l'ouvrage d'être traduit en langue arabe et diffusé dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient.

Son deuxième roman, "Mistiriijo, la mangeuse d'âmes", paru en 2013, confirme le talent de la romancière. Son troisième roman, "Munyal, les larmes de la patience", paraît en septembre 2017, la classant définitivement parmi les valeurs sûres de la littérature africaine.

En mars 2019, l'ouvrage consacre l'écrivaine lauréate du prix de la Presse panafricaine de littérature 2019 qui lui est décerné au salon Paris Livre. Deux mois plus tard, elle est la lauréate du 1er Prix Orange du Livre en Afrique.

L'écrivaine signe son entrée au sein de la maison d'édition française Anne Carrière/Emmanuelle Collas qui la publie dès 2020. L'éditrice veut retravailler le texte de "Munyal". Il paraît en septembre 2020 sous le titre "Les Impatientes", fait partie de la première sélection du prix Goncourt 2020 et obtiendra finalement le prix Goncourt des lycéens le 2 décembre 2020.

Djaili Amadou Amal réside à Douala en compagnie de son époux, Hamadou Baba, un ingénieur et également écrivain sous le pseudonyme de Badiadji Horrétowdo.

 

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