vendredi 8 décembre 2023

Le monde de la berge fleurie

 

Il est trompeur ce titre en français, sans doute beaucoup plus accrocheur que le titre original, mais beaucoup moins parlant. Initialement, ce roman nommé La guerre pour Gloria plante le décor d’une histoire construite autour de Gloria, et de son fils Corey.

Gloria habite la banlieue ouvrière de Boston ; elle travaille dur, et pourtant est à la limite de la pauvreté, comptant ses dépenses au cent près. Elle élève Corey, qu’elle a eu avec Leonard, royalement absent, plus encombrant qu’utile, profitant de temps à autre du gîte et du couvert. Même si elle mord chaque jour la poussière, Gloria se saigne aux quatre veines pour son fils, est là pour lui offrir un avenir meilleur, une vie plus aisée.  L’équilibre si fragile va se briser le jour où l’on diagnostique à Gloria une maladie de Charcot ; sans doute le pire truc qu’il puisse arriver ; on en meurt à tous les coups, et de la plus odieuse des manières, à petit feu, en pleine conscience. Gloria et Corey sont conscients de tout. Corey se met au service de sa mère pour l’assister au jour le jour, du mieux qu’il peut. Voilà un garçon qui s’éloigne par devoir de sa vie d’adolescent, qui renonce à des études afin de venir en aide à sa mère. Tout cela sous l’œil pervers de son père surgissant de nulle part, et jouant l’incruste malveillante, autant pour l’une que pour l’autre.

Corey prend sur lui beaucoup de choses ; en tout cas beaucoup trop pour un garçon de son âge. Les amitiés sur son passage ne sont pas forcément toujours désintéressées. Mais il fait face, dans cet univers où il ne fait pas bon être pauvre et malade, où il faut sans cesse se battre contre les assurances pour assurer à sa mère les soins et les aides nécessaires.

Corey mène de front deux combats : celui pour sa mère, mais un combat plus personnel, celui de passer à l’âge adulte, de parvenir à se libérer les présences humaines toxiques, et de se réinventer un avenir.

Voilà un curieux roman à la fois plein de qualités, et de quelques petits moments de flottements. J’ai beaucoup aimé la force qui se dégage de cette histoire pleinement révélatrice de la réalité sociale américaine, la traduction magnifique de Céline Leroy, et ses personnages puissants. Néanmoins, j’émets quelques réserves sur les cent dernières pages que j’ai trouvées brouillonnes, parfois rocambolesques, pas forcément très utiles…

Le monde de la berge fleurie d’Atticus Lish, traduit de l’américain par Céline Leroy, aux éditions Christian Bourgois (Août 2023, 620 pages)


Après Harvard, Atticus Lish (né à NEW6York en 1972) enchaîne les petits boulots. Il se consacre, depuis quelques années, à l’écriture après avoir expérimenté un nombre surprenant de domaines.

Couronné de nombreux prix dont PEN/Faulkner Award for Fiction 2015 ou le Grand Prix de littérature américaine 2016, "Preparation for the next life" (2014) ("Parmi les loups et les bandits") son premier roman, est publié dans plus de dix pays.

Il est le fils du légendaire éditeur Gordon Lish (1934).

Il vit à Sunset Park, Brooklyn avec sa femme Beth, enseignante. Ils sont mariés depuis 1995.

 

 

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