« Tu sais bien, Veronica, que,
nous autres les Tutsis, nous savons garder nos secrets. On nous appris à nos
taire. Il le faut bien, si nous tenons à la vie. »
« Qu’est-ce que tu es venue
faire au lycée alors, dit Gloriosa, tu aurais dû rester dans ta cambrousse à
manger des bananes dans les champs. Tu aurais laissé ta place pour une vraie
Rwandaise du peuple majoritaire. »
« On va bientôt sonner pour l
réfectoire, dit Gloriosa, allons-y et toi Virginia, tu seras bien forcée d’ouvrir
la bouche devant nous pour manger les restes des vrais Rwandaises. »
Sans que
cela soit explicite, eu égard à certains faits, en particulier une visite du
Roi Baudoin de Belgique, et de la Reine Fabiola, je situe l’action de ce roman
avant 1993 (année du décès du Roi des Belges), et avant le génocide du Rwanda.
Le fil du roman suit une année scolaire complète. Nous vivrons donc avec ces
jeunes filles leur quotidien, mais nous aurons un regard prophétique de la vie
de ce pays
Nous sommes
dans un lycée pour jeunes filles de bonne famille, situé là où prend naissance
le Nil. Notre-Dame du Nil, c’est son nom accueille les jeunes filles en vue de
les promettre à un beau mariage, et de les préserver des turpitudes de la vie
moderne ; toutes les jeunes filles à ceci près, que déjà la sélection
ethnique se pratique insidieusement, avec ce qui se dessine déjà avec des expressions comme « peuple minoritaire »
La rivalité
entre Tutsis, et Hutus, entre les fausses,
et les vraies Rwandaises se fait
sentir dès les premières lignes du livre, et laisse présager de sombres lendemains
au Lycée Notre Dame du Nil. S’y ajoute les complots, et les trahisons entre les
membres des familles de ses jeunes filles. L’encadrement religieux n’est pas
mieux non plus ; loin de faire respecter le strict respect de chaque
ethnie, il semble plus préoccupé par sauvegarder les apparences.
Scholastique
Mukasonga, a hélas connu et vécu cette lamentable tranche de l’histoire de son
pays, montre en prenant appui sur des jeunes personnes éduquées, que la folie
des hommes qui conduit à de véritables massacres prend racine en chacun d’entre
nous.
Elle utilise
une langue admirable, dans un style direct, sans encombre, ni métaphore, où chaque
mot est pesé, et à chaque fois lourd de sens. Une fois lancée, la lecture ne
souffre pas d’être laissée de côté ; elle laisse derrière elle d’infinie
petites et grandes choses, donne furieusement envie de revenir vers l’auteur et
d’aller plus loin en sa compagnie à la rencontre de l’histoire de son pays.
Notre-Dame
du Nil, Scholastique Mukasonga
Gallimard,
collection continents noirs (1er Mars 2012)
Sélection pour
le Prix Océans 2012
223 pages
4ème de couverture :
Au Rwanda,
un lycée de jeunes filles perché sur la crête Congo-Nil, à 2 500 mètres
d'altitude, près des sources du grand fleuve égyptien. Les familles espèrent
que dans ce havre religieusement baptisé Notre-Dame du Nil, isolé, d'accès
difficile, loin des tentations de la capitale, leurs filles parviendront
vierges au mariage négocié pour elles dans l'intérêt du lignage. Les
transgressions menacent au cœur de cette puissante et belle nature où par
ailleurs un rigoureux quota « ethnique » limite à 10 % le nombre des élèves
tutsi.
Sur le même
sommet montagneux, dans une plantation à demi abandonnée, un « vieux Blanc »,
peintre et anthropologue excentrique, assure que les Tutsi descendent des
pharaons noirs de Méroé. Avec passion, il peint à fresque les lycéennes dont
les traits rappellent ceux de la déesse Isis et d'insoumises reines Candace
sculptées sur les stèles, au bord du Nil, il y a trois millénaires. Non sans
risques pour sa jeune vie, et pour bien d'autres filles du lycée, la déesse est
intronisée dans le temple qu'il a bâti pour elle.
Le huis clos
où doivent vivre ces lycéennes bientôt encerclées par les nervis du pouvoir
hutu, les amitiés, les désirs et les haines qui traversent ces vies en fleur,
les luttes politiques, les complots, les incitations aux meurtres raciaux, les
persécutions sournoises puis ouvertes, les rêves et les désillusions, les
espoirs de survie, c'est, dans ce microcosme existentiel, un prélude exemplaire
au génocide rwandais, fascinant de vérité, d'une écriture directe et sans faille.
A propos de l’auteur :
Scholastique
Mukasonga est née en 1956 au Rwanda dans une famille appartenant à l'ethnie
Tutsi. Elle vit et travaille actuellement comme assistante sociale en
Basse-Normandie. En 1994, son père, sa mère et trente-sept membres de sa
famille proche sont massacrés au Rwanda.
Elle a déjà
publié aux Éditions Gallimard Inyenzi ou
les cafards (Continents Noirs, 2006), La
femme aux pieds nus (récit), prix Seligmann " contre le racisme,
l'injustice et l'intolérance " (Continents Noirs, 2008, Folio mars 2012), L'iguifou, Nouvelles rwandaises, prix
Paul Bourdarie de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer (Continents Noirs, 2010).Notre-Dame
du Nil, après, les nouvelles et deux récits, est son premier roman.
Pour le défi de la plume au féminin organisé par Opaline.
Pour le défi du premier roman chez Anne.
Tu es calée en histoire de la dynastie belge, dis donc ;-)
RépondreSupprimerOn touche un peu à l'histoire de l'égypte ancienne dans ce roman? Car si oui, il va aller directement dans le top de ma LAL ;)
RépondreSupprimerNon, pas du tout, relis bien la 4ème de couverture.....
SupprimerLes sources du Nil se situent bien au-delà de l'Egypte !!!