vendredi 20 juillet 2012

Notre-Dame du Nil


« Tu sais bien, Veronica, que, nous autres les Tutsis, nous savons garder nos secrets. On nous appris à nos taire. Il le faut bien, si nous tenons à la vie. »
« Qu’est-ce que tu es venue faire au lycée alors, dit Gloriosa, tu aurais dû rester dans ta cambrousse à manger des bananes dans les champs. Tu aurais laissé ta place pour une vraie Rwandaise du peuple majoritaire. »
« On va bientôt sonner pour l réfectoire, dit Gloriosa, allons-y et toi Virginia, tu seras bien forcée d’ouvrir la bouche devant nous pour manger les restes des vrais Rwandaises. »

Sans que cela soit explicite, eu égard à certains faits, en particulier une visite du Roi Baudoin de Belgique, et de la Reine Fabiola, je situe l’action de ce roman avant 1993 (année du décès du Roi des Belges), et avant le génocide du Rwanda. Le fil du roman suit une année scolaire complète. Nous vivrons donc avec ces jeunes filles leur quotidien, mais nous aurons un regard prophétique de la vie de ce  pays
Nous sommes dans un lycée pour jeunes filles de bonne famille, situé là où prend naissance le Nil. Notre-Dame du Nil, c’est son nom accueille les jeunes filles en vue de les promettre à un beau mariage, et de les préserver des turpitudes de la vie moderne ; toutes les jeunes filles à ceci près, que déjà la sélection ethnique se pratique insidieusement, avec ce qui se dessine déjà  avec des expressions comme « peuple minoritaire »
La rivalité entre Tutsis, et Hutus, entre les fausses, et les vraies Rwandaises se fait sentir dès les premières lignes du livre, et laisse présager de sombres lendemains au Lycée Notre Dame du Nil. S’y ajoute les complots, et les trahisons entre les membres des familles de ses jeunes filles. L’encadrement religieux n’est pas mieux non plus ; loin de faire respecter le strict respect de chaque ethnie, il semble plus préoccupé par sauvegarder les apparences.
Scholastique Mukasonga, a hélas connu et vécu cette lamentable tranche de l’histoire de son pays, montre en prenant appui sur des jeunes personnes éduquées, que la folie des hommes qui conduit à de véritables massacres prend racine en chacun d’entre nous.
Elle utilise une langue admirable, dans un style direct, sans encombre, ni métaphore, où chaque mot est pesé, et à chaque fois lourd de sens. Une fois lancée, la lecture ne souffre pas d’être laissée de côté ; elle laisse derrière elle d’infinie petites et grandes choses, donne furieusement envie de revenir vers l’auteur et d’aller plus loin en sa compagnie à la rencontre de l’histoire de son pays.

 
Notre-Dame du Nil, Scholastique Mukasonga
Gallimard, collection continents noirs (1er Mars 2012)
Sélection pour le Prix Océans 2012
223 pages


4ème de couverture :
Au Rwanda, un lycée de jeunes filles perché sur la crête Congo-Nil, à 2 500 mètres d'altitude, près des sources du grand fleuve égyptien. Les familles espèrent que dans ce havre religieusement baptisé Notre-Dame du Nil, isolé, d'accès difficile, loin des tentations de la capitale, leurs filles parviendront vierges au mariage négocié pour elles dans l'intérêt du lignage. Les transgressions menacent au cœur de cette puissante et belle nature où par ailleurs un rigoureux quota « ethnique » limite à 10 % le nombre des élèves tutsi.
Sur le même sommet montagneux, dans une plantation à demi abandonnée, un « vieux Blanc », peintre et anthropologue excentrique, assure que les Tutsi descendent des pharaons noirs de Méroé. Avec passion, il peint à fresque les lycéennes dont les traits rappellent ceux de la déesse Isis et d'insoumises reines Candace sculptées sur les stèles, au bord du Nil, il y a trois millénaires. Non sans risques pour sa jeune vie, et pour bien d'autres filles du lycée, la déesse est intronisée dans le temple qu'il a bâti pour elle.
Le huis clos où doivent vivre ces lycéennes bientôt encerclées par les nervis du pouvoir hutu, les amitiés, les désirs et les haines qui traversent ces vies en fleur, les luttes politiques, les complots, les incitations aux meurtres raciaux, les persécutions sournoises puis ouvertes, les rêves et les désillusions, les espoirs de survie, c'est, dans ce microcosme existentiel, un prélude exemplaire au génocide rwandais, fascinant de vérité, d'une écriture directe et sans faille.
A propos de l’auteur :
Scholastique Mukasonga est née en 1956 au Rwanda dans une famille appartenant à l'ethnie Tutsi. Elle vit et travaille actuellement comme assistante sociale en Basse-Normandie. En 1994, son père, sa mère et trente-sept membres de sa famille proche sont massacrés au Rwanda.
Elle a déjà publié aux Éditions Gallimard Inyenzi ou les cafards (Continents Noirs, 2006), La femme aux pieds nus (récit), prix Seligmann " contre le racisme, l'injustice et l'intolérance " (Continents Noirs, 2008, Folio mars 2012), L'iguifou, Nouvelles rwandaises, prix Paul Bourdarie de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer (Continents Noirs, 2010).Notre-Dame du Nil, après, les nouvelles et deux récits, est son premier roman.


  Pour le défi de la plume au féminin organisé par Opaline.



 Pour le défi du premier roman chez Anne.

3 commentaires:

  1. Tu es calée en histoire de la dynastie belge, dis donc ;-)

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  2. On touche un peu à l'histoire de l'égypte ancienne dans ce roman? Car si oui, il va aller directement dans le top de ma LAL ;)

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    1. Non, pas du tout, relis bien la 4ème de couverture.....
      Les sources du Nil se situent bien au-delà de l'Egypte !!!

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