Une
narration, dans un style classique, qui nous fait prendre connaissance avec Donya . Elle est une jeune et belle
étudiante iranienne. Nous sommes dans les années 90, les Mollah verrouillent la
société, la jeunesse est brimée, les femmes sont des demies citoyennes.
Une
jeune femme à Paris, fraichement débarquée d’Iran, vivant de petits boulots
précaires, entame une psychanalyse dont les séances successives alternent avec
la narration plus impersonnelle.
De
L’Iran en passant par la Turquie, pour finalement s’établir à Paris, Donya nous
est présentée tantôt d’un point de vue global, et sous l’angle de l’intime. Ses
traits, sa personnalité se dessinent au fur et à mesure. L’histoire de cette
jeune femme s’est imprégnée de la violence du régime des Mollahs. Nombreux sont
les passages où l’émotion, et la révolte nous étreignent tant par ce qui s’y
passe que par le ressenti de son héroïne.
« Être née fille dans ce putain de pays ne
fait pas de moi une criminelle ».
L’Iran,
la violence faite aux femmes, le poids de l’Islam radical sont des thématiques récurrentes
dans les ouvrages de Chahdortt Djavann parce qu’elles ont façonné la femme et l’écrivain qu’elle
est devenue.
Quelle
est la part d’autobiographie dans ce roman ?
« Je suis mon personnage et je ne le suis pas »
dit-elle en épilogue.
J’ai
également apprécié les séances de psychanalyse, pour toute l’ambiguïté dont une
telle thérapie peut être faite, pour la verbalisation du travail sur soi, l’espoir
d’aller mieux qu’il suscite, et pour le travail d’intégration de cette jeune
femme qui entame son analyse en français alors qu’elle n’en possède que les
rudiments.
« Faire miens des mots qui ne l’étaient pas et
explorer avec eux tout un monde à l’intérieur de moi-même, dont l’accès m’était
impossible… c’est plus qu’un
voyage initiatique…»
Astucieusement
construit, ce livre est prenant, et difficile à lâcher. Et s’il « est le
premier volume d’une histoire à suivre », c’est avec impatience que j’attends
d’avoir cette suite en main.
Je ne suis pas celle que
je suis, Chahdortt Djavann
Flammarion, Août 2011
535 pages
4ème de couverture :
Des
vies différentes dans des villes différentes, et une même femme. Deux histoires
entrelacées. L'une, picaresque, nous fait voyager en compagnie de l'héroïne,
qui traverse mille et une épreuves, de Téhéran au golfe Persique, de Dubaï aux
rives du Bosphore. Et l'autre, intime, à Paris, se construit dans le cabinet
d'un psy. Pour la première fois une psychanalyse nous est dépeinte, séance par
séance, comme un tableau impressionniste. Le rapport au père, à la mère, aux
hommes, la prison, la torture, le viol, la prostitution, la solitude, l'exil et
la langue française dont il faut s'emparer pour faire le récit d'une vie, pour
se réconcilier avec la vie sont les thèmes de ce livre. Après Comment peut-on
être français ? et La Muette, ce roman, dense et incisif, drôlement triste et
tragiquement gai, est tout simplement impressionnant.
A propos de l’auteur :
Née
en Iran en 1967, Chahdortt Djavann vit depuis plus de dix ans à Paris où elle a
étudié l'anthropologie. Elle est romancière, avec Je viens d'ailleurs (Autrement, 2002), Autoportrait de l'autre (Sabine Wespieser, 2004), et Comment peut-on être français ? (Flammarion,
2006 ; J'ai lu, 2007) ; et essayiste, avec en particulier, Bas les voiles (Gallimard, 2003), A mon corps défendant, l'Occident (Flammarion, oct. 2007), et tout
dernièrement La dernière séance (Fayard, 2013)
La ronde des "gros livres" chez Tête de litote .
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