Si
Henning Mankell a fait ses preuves dans « le policier » avec un
personnage qui m’est cher, il n’en a pas moins réussi dans la fiction.
Un
paradis trompeur, son dernier opus, tel Mankell partagé entre deux pays, nous
embarque d’une part entre la Suède et le Mozambique, mais surtout au cœur de
l’histoire coloniale de ce petit bout d’Afrique orientale.
C’est
l’histoire d’Hanna qui nous est contée ; une histoire pas banale du tout,
basée sur des éléments véridiques dont s’est inspiré Henning Mankell fin
connaisseur ce pays.
Au
travers de ce parcours atypique d’une blanche, suédoise faisant irruption dans
un monde lusophone où blancs et noirs se défient mutuellement, Henning Mankell
veut nous interpeller sur un système colonial fait d’injustices, de violence,
et de rabaissement. Hannah se sent bien seule, et désemparée. D’un naturel
humain et généreux, elle a toutes les peines du monde à se faire aux us et
coutumes. Ses filles travaillant dans son bordel, trouveront en elle une vraie
mère (maquerelle, peut-être, mais infiniment bonne et protectrice)
« Elle vivait sur un continent triste, où les
seuls à rire, et souvent bien trop fort, étaient les Blancs. Mais ce rire, elle
le savait, n’était qu’une façon de cacher une peur qui se transformait facilement en terreur. »
Cette
femme est attachante. Deux fois veuve, c’est dans le tendre souvenir de son premier mari qu’elle se love, alors que le second la rendue très
riche. Mais c’est auprès d’un singe qu’elle trouvera le plus de force. Henning
Mankell nous livre à la fin de son ouvrage des moments beaux et émouvant à l’évocation
de Carlos, ce singe plus humain que singe.
«
Sur ce continent troublant et
contradictoire, elle avait finalement pu faire confiance qu’à un singe. »
Si
l’écriture d’Henning Mankell est simple, elle parvient à faire ressortir l’ambiance
lourde, et le fossé entre les deux communautés qui ne parviennent pas à se
comprendre, et à vivre ensemble.
D’un
continent à l’autre, la misère a le même visage. Les époques changent, les
trajets pour la fuir, aussi. Mais au fond, rien ne change : les hommes ont
toujours autant de mal à s’accepter.
Un paradis trompeur, Henning Mankell
Seuil, Octobre 2013
375 pages
4ème de
couverture :
Le
froid et la misère ont marqué l’enfance de Hanna Renström dans un hameau au
nord de la Suède. En avril 1904, à l’âge de dix-huit ans, elle s’embarque sur
un vapeur en partance pour l’Australie dans l’espoir d’une vie meilleure. Pourtant
aucune de ses attentes, ou de ses craintes, ne la prépare à son destin. Deux
fois mariée brièvement, deux fois veuve, elle se retrouve à la tête d’une
grosse fortune et d’un bordel au Mozambique, dans l’Afrique orientale
portugaise. Elle se sent seule en tant que femme au sein d’une société
coloniale régie par la suprématie machiste des Blancs, seule de par la couleur
de sa peau parmi les prostituées noires, seule face à la ségrégation, au
racisme, à la haine, et à la peur de l’autre qui habite les Blancs comme les
Noirs, et qui définit tout rapport humain. Ce paradis loin de son village natal
n’est-il qu’un monde de ténèbres ?
A propos de l’auteur :
Henning
Mankell, né en 1948, partage sa vie entre la Suède et le Mozambique. Lauréat de
nombreux prix littéraires, outre la célèbre « série Wallander » il est
dramaturge et auteur de romans sur l'Afrique et pour la jeunesse.
Un très bon roman de Mankell pour moi. Je suis contente que tu l'ais aimé.
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