Ce sont les autres qui
pensent qu’avoir des parents sourds, c’est dramatique.
Pas moi.
Pour moi, c’est pas
grave, c’est normal, c’est ma vie. »
Oui,
c’est sa vie, que de vivre avec des parents sourds et muets, alors qu’elle ne l’est
pas. Et si ça n’est pas dramatique, l’affaire n’en est pas moins banale. Bien
entendu elle aime profondément ses parents, ne supporte pas le regard différents
que l’on porte sur eux, les préjugés que les autres ont bien ancrés. Mais son
ressenti n’en est pas moins ambiguë.
« J’oscille entre fierté, honte et colère.
A longueur de temps. »
Avant
de faire l’expérience de l’oral, la petite fille lit. « Je
dévore les mots qu’on ne me dit pas. »
Pas
facile de se construire les sens au milieu de parents amputés d’une partie des
leurs….
« J’envie les copines dont les parents sont
normaux et qui ont la chance de communiquer avec eux par la parole.
Je veux des parents qui
parlent, qui Me parlent, qui entendent, qui M’écoutent. »
Difficile
de crier son amour pour ses parents alors qu’une partie de soi les voudrait si
différents, et que l’autre partie comprend qu’il ne peut en être autrement, et
qu’ailleurs, ça n’est pas forcément meilleur même quand on se parle.
Pas
facile de faire face aux bruits des sourds qui ne se rendent pas compte.
Elle
fait l’apprentissage d’un langage qui n’est pas le sien, et dont elle découvre
à la fois la poésie, et la crudité.
« La langue des signes est la langue la plus
crue que je connaisse. Les sourds s’expriment de façon simple, directe et
brutale.»
C’est
d’ailleurs ainsi que Véronique Poulain s’exprime dans ce roman. Le style y est
sec, saccadé, direct. La langue est proche de l’oralité ; un peu comme le
serait la gestuelle d’un sourd et muet.
Derrière
le désarroi d’une petite fille comme les autres, vivant avec des parents pas tout
à fait comme les autres, ce roman est un tendre hommage d’une fille à
son père, Jean-Claude Poulain qui a beaucoup œuvré pour le développement de la
LSF.
Ce
court et intense roman m’a laissé une forte impression, et prend une place de
choix parmi les quelques nouveautés de cette rentrée 2014 que j’ai eu la chance
de lire un peu avant tout le monde.
Les mots qu’on ne me dit
pas, Véronique Poulain
Stock, Août 2014
144 pages
4ème de
couverture :
«
“ Salut, bande d’enculés ! ”
C’est
comme ça que je salue mes parents quand je rentre à la maison.
Mes
copains me croient jamais quand je leur dis qu’ils sont sourds.
Je
vais leur prouver que je dis vrai.
“
Salut, bande d’enculés ! ” Et ma mère vient m’embrasser tendrement. »
Sans
tabou, avec un humour corrosif, elle raconte.
Son
père, sourd-muet.
Sa
mère, sourde-muette.
L’oncle
Guy, sourd lui aussi, comme un pot.
Le
quotidien.
Les
sorties.
Les
vacances.
Le
sexe.
D’un
écartèlement entre deux mondes, elle fait une richesse. De ce qui aurait pu
être un drame, une comédie.
D’une
famille différente, un livre pas comme les autres.
A propos de l’auteur :
Véronique
Poulain travaille dans le spectacle vivant. Elle fut pendant quinze ans
l’assistante personnelle de Guy Bedos. Les mots qu’on ne me dit pas est son
premier livre.
Lu comme lecteur VIP pour l'opération coup de coeur d'entrée Livre
Egalement.... Je lis tes chroniques à rebours
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