« Infirme à montrer mes sentiments dès qu’il s’agissait
de maman. »
« Un désamour tenace envers cette petite femme
que j’avais longtemps appelée par son prénom, Lina. Dix fois par jour
j’oubliais que j’étais son fils. Et autant de fois, je m’efforçais de m’en
souvenir. »
« Je savais bien que j’avais aimé ma mère.
Mais je ne retrouvais plus ces sensations de chaleur, ni aucune marque tangible
d’affection entre nous. Quelque chose n’avait pas eu lieu avec Lina. Mais
quoi ? »
Un
narrateur qui s’appelle Éric qui est l’auteur sans être l’auteur. Lina est sa
mère, sans l’être tout à fait. On comprend assez vite que ce livre est la grande
affaire de son auteur. C’est lui qui s’exprime, via son narrateur, pour gagner
en liberté.
Et
cela commence fort ; à l’issue d’un banal repas de famille, Lina jette un
pavé dans la marre, vide un sac lourd de plus d’un demi-siècle.
Pour
le narrateur, commence une quête de
vérité à la fois éprouvante et émouvante.
Dix-sept
ans est le portrait touchant et tout en nuance d’une femme qui voulait tout
simplement être aimée, et qui victime de son époque et de ses principes
rigoristes n’a non seulement pas pu aller au bout de ses sentiments, mais n’a
pu, dans un premier temps du moins pu installer une relation harmonieuse avec
son fils.
«
J’étais le survivant d’une histoire
trouble qui nous avait séparés, une histoire douloureuse oubliée à dessein.
»
Dix-sept
ans, est le cri d’amour d’un homme qui durant 30 ans inlassablement cherché à écrire ce livre,
chercher à montrer ce qu’était véritablement sa mère.
Dix-sept,
comme l’âge de Lina, exilée à Nice pour mettre au monde l’enfant de la honte, à
l’abri des regards, loin de sa famille fidèle aux idées moyenâgeuses d’une
Eglise inhumaine et destructrice de la France des années 60. On ne saura jamais
assez les violences faites aux femmes, et par ricochet aux enfants, par une
institution encore forte de son pouvoir sur les corps et les âmes, avec l’unique
but de jouer la redresseuse de tors et la gardienne d’une morale qu’elle considère
comme la seule voix possible.
C’est
à pas feutrés que l’on se glisse avec deux-deux pour mieux suivre leurs retrouvailles ; mais aussi pour se
délecter d’une écriture à la fois tout en
finesse et brutale jusqu’à l’électrochoc, parfois.
C’est
ce mélange de dureté, de tendresse, d’amour et de beauté qui donne à ce roman
son caractère unique..
A
ce jour, il est pour moi l’ouvrage le plus émouvant et le plus intime de cette rentrée.
Dès
les premières lignes de "Dix-sept ans ", j’ai immédiatement
pensé à "l’homme qui m‘aimait tout bas "consacré à son père adoptif.
Deux livres, qui selon l’auteur, se tiennent la main.
«
Deux pères ont effacé une mère comme un
drame peut en cacher un autre. »
Dix-sept
ans d’Eric Fottorino, chez Gallimard (Août 2018, 272 pages)
Éric
Fottorino
est le fils d'une infirmière, Monique Chabrerie, enceinte à 16 ans d'un juif
marocain qu'elle ne pourra pas épouser. Elle épousera plus tard un
kinésithérapeute, Michel Fottorino, qui donnera son nom au petit Eric Bruno.
Il
passe son enfance à Bordeaux et suit ses études à La Rochelle, d'abord au Lycée
Fénelon puis à Faculté de Droit d'où il sort avec une Licence, envisageant un
temps de s'engager dans une carrière d'avocat ou de magistrat. Après La
Rochelle, Éric Fottorino intègre l'Institut d'Études Politiques (IEP) de Paris
et s'intéresse dès lors au journalisme.
En
1981, il envoie au journal Le Monde une tribune sur l'article 16 de la
Constitution qui sera aussitôt publiée. L'année suivante il commence à
travailler comme journaliste pigiste pour Libération puis à La Tribune de
l'Économie (1984-85). En 1986 il entre au Monde où il effectuera dès lors toute
sa carrière.
Au
sein du quotidien du soir, Eric Fottorino est d'abord journaliste spécialisé
sur les matières premières et le continent africain tout en étant parallèlement
Chargé de conférences à l'IEP de Paris de 1992 à 1995. Il devient Grand
reporter (1995-1997), Rédacteur en chef (1998-2003) puis Chroniqueur (2003-06).
En
2005, il est chargé de préparer la nouvelle formule du quotidien puis est nommé
Directeur de la rédaction en mars 2006, remplaçant à ce poste Edwy Plenel qui a
démissionné du journal.
En
juin 2007, suite à l'éviction de Jean-Marie Colombani après un vote négatif de
la Société des rédacteurs, Eric Fottorino est élu Directeur du Monde. En raison
de désaccords d'ordre financier avec la Société des rédacteurs, il annonce en
décembre sa démission, en compagnie de Pierre Jeantet et Bruno Patino, mais
revient finalement sur sa décision. Il décide de se porter candidat au poste de
président du directoire du groupe La Vie-Le Monde, occupé jusqu'alors par
Pierre Jeantet, et est élu à l'unanimité le 25 janvier 2008 par les membres du
Conseil de surveillance.
Le
9 avril 2014 est paru le premier numéro de l’hebdomadaire Le 1, co-fondé par Eric
Fottorino, Laurent Greilsamer, Natalie Thiriez et Henry Hermand.
Éric
Fottorino est aussi l'auteur d'une œuvre de romancier commencée dès 1991 avec
le très autobiographique Rochelle. Outre quelques essais (Le Festin de la terre
1988, Prix du meilleur livre d'économie, La France en friches, 1989), il a
publié une dizaine de romans. Citons notamment Coeur d'Afrique (1997, prix
Amerigo Vespucci), Nordeste (1999)
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