Ecrit
"à chaud", juste après être sorti de déportation, ce premier volet de
"souvenirs" montre l’urgence
avec lequel il a sans doute été rédigé afin de rien perdre de ce qui fût enduré
durant la déportation.
Charlotte
Delbo fut arrêtée et déportée pour faits de résistance.
Ce
qui frappe, c’est l’écriture quasi
chaotique : phrases courtes, parfois lapidaires.
Ce
récit n’a rien de progressif ; il est plutôt thématique. Chaque chapitre
constitue une entrée sur des sujets
simples ; la vie de tous les jours où
la cruauté est sans cesse rappelé.
Ce
qui frappe également, c’est l’aspect impersonnel des souvenirs. Ici, il figure
assez peu d’évocations nominatives. Les faits sont décrits de manière assez
synthétiques, presque sans affect ;
Chaque
évocation des camps est unique. Chaque témoignage est chargé de sa propre charge
émotionnelle, sa propre richesse. Il ne saurait être question de graduer les
récits.
Sans
aucun doute, d’autres voix m’ont davantage parlé que celle-ci ; cela ne
tient pas à son contenu, mais plutôt au caractère particulier de cette voix :
une certaine désincarnation, une distance accentuée par ce style particulier
qui n’incite guère à "entrer" plus intimement dans l’ouvrage.
Malgré
ces quelques réserves, je lirai les deux autres volets de ce récit.
Aucun
de nous ne reviendra. Auschwitz et après I DE Charlotte Delbo aux éditions de
minuit (1970,192 pages)
Charlotte
Delbo
est née en 1913 à Vigneux-sur-Seine (Essonne), de parents immigrés italiens.
Après avoir suivi une formation de sténodactylo, elle travaille à Paris comme
secrétaire dès l’âge de dix-sept ans. Elle adhère en 1932 au mouvement des
Jeunesses communistes. En 1934, elle rencontre Georges Dudach, communiste
engagé, très actif au sein du Parti, avec qui elle se marie en 1936. Un an plus
tard, elle devient la secrétaire de Louis Jouvet, alors directeur du théâtre de
l’Athénée. Celui-ci l’avait convoquée après la lecture d’un article sur le
théâtre qu’elle avait écrit pour Les Cahiers de la Jeunesse, dont Dudach était
le rédacteur en chef.
L’été
1941, Charlotte Delbo accompagne la troupe de l’Athénée lors d’une tournée en
Amérique du Sud. Georges Dudach, engagé dans la Résistance intérieure, est
resté à Paris. Elle décide de le rejoindre dans la clandestinité, contre l’avis
de Jouvet qui la supplie de n’en rien faire. Charlotte regagne Paris et
retrouve son mari en novembre 1941. Ils vivent cachés, ne se montrent jamais
ensemble. Georges sillonne Paris, rencontre ses contacts, transmet des
informations pendant que Charlotte tape à la machine des tracts et des journaux
clandestins. Mais la police déploie patiemment ses filets. En février 1942, de
nombreux membres de leur réseau de résistants communistes sont pris en
filature. Les arrestations se multiplient à la mi-février : Georges et Maï
Politzer, Danielle Casanova, Lucien Dorland, Lucienne Langlois, puis André et
Germaine Pican, Jacques Decour… De filature en filature, l’étau se resserre.
Georges
Dudach et Charlotte Delbo sont arrêtés le 2 mars 1942 par les brigades
spéciales de la Police française. Delbo est emprisonnée à la Santé, où elle
reverra son mari une dernière fois, le 23 mai ; Dudach est fusillé le jour même
au Mont-Valérien. Transférée en août au Fort de Romainville, puis à Compiègne,
Charlotte Delbo quitte la France pour Auschwitz-Birkenau le 24 janvier 1943,
dans un wagon à bestiaux, en compagnie de deux cent vingt-neuf autres femmes,
majoritairement engagées comme elle dans la Résistance.
Transférée
à Ravensbrück au début de l’année 1944, elle est libérée en avril 1945 après
vingt-sept mois de déportation. Sur les deux cent trente femmes du convoi de
1943, elles sont quarante-neuf à rentrer. Quelques mois après son retour, dans
une maison de repos en Suisse, elle écrit dans un cahier Aucun de nous ne
reviendra qui deviendra, vingt-cinq ans plus tard, le premier volume de la
trilogie Auschwitz et après. À partir de 1947, elle travaille pour l’ONU à
Genève. Elle réside douze ans en Suisse avant de regagner Paris, où elle entre
au CNRS en 1960, devenant l’assistante du philosophe Henri Lefebvre, qu’elle avait
rencontré en 1932. Elle termine sa carrière au CNRS en 1978 et meurt en 1985,
âgée de soixante-douze ans.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire