mercredi 21 août 2019

Murène


François a vingt-deux ans, du dynamisme à revendre, une fiancée, et la vie devant lui. Nous sommes en 1956, terrible hiver ; François, qui est en congés intempéries, part dans les Ardennes pour aider un cousin…
Le destin en décidera autrement. Brûlé au troisième degré, à défaut de sa peau, ce sont ses deux bras qu’il laissera ; pour sauver le reste, diront les médecins, pas du tout certains de le sauver tout court.

Que reste- t-il à un homme dans l’éclat de sa jeunesse quand on devient dépendant de tout le monde, pour tout, et tout le temps ?

D’un service de réanimation de province dans les années 50 aux handisports qui font la fierté de ces hommes et femmes blessés par la vie, Valentine Goby trace avec brio, la reconstruction d’un homme au départ donné pour mort, et qui finira par se frayer son chemin pavé de larmes, de déconvenues, et de sueur ; le sport rédempteur, re-socialisant, et porteur de tous les espoirs, même pour Joao, son copain de chantier. Pour lui, ce sera nager. La murène, dépourvue de nageoires y arrive bien, alors pourquoi pas lui ?

Parce dans ces années -là, rien n’était évident : les prothèses étaient rudimentaires, intégrer le monde des blessés de guerre pour faire du sport quand on était civil était mission impossible, ou quasi impossible. Il fallait d’abord être bien entouré, mais surtout avoir l’envie de s’en sortir chevillée au corps, et le caractère tenace pour enfoncer les portes.

C’est de tout cela dont nous parle Valentine Goby. Comme souvent dans ses livres, le corps est extrêmement présent ; elle l’écrit chirurgicalement, non pas de la pointe de son stylo mais d’un scalpel redoutable de précision.

François Sandre n’est pas de ceux que j’oublierai de sitôt. Il est, le temps d’un livre le porte- parole de tous ces anonymes qui un jour ont dû recommencer, pour ne pas sombrer, et se prouver que tout était encore possible, pour peu qu’on s’en donne les moyens.

Murène est un livre lumineux non seulement de par son personnage central, mais également de par l’amour et la fantaisie des autres membres de la famille.

A chaque fois Valentine Goby parvient à me surprendre, m’émouvoir par tant de profondeur et d’humanité.

Un grand merci à elle et à son éditeur pour l’envoi de cet exemplaire

Murène de Valentine Goby chez Actes Sud (Août 2019, 384 pages)



Valentine Goby publie depuis quinze ans pour les adultes et pour la jeunesse. Elle reçoit en 2014 treize prix littéraires pour Kinderzimmer, paru chez Actes Sud. Passionnée par l'histoire et par la transmission, la mémoire est son terrain d'exploration littéraire essentiel.
Murène est son treizième roman.

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