lundi 21 octobre 2019

Un livre de martyrs américains


Je n’avais jamais lu Joyce Carol Oates ; cela faisait un certain temps que j’y pensais, mais que le courage me manquait. Il fallait une dose de folie pour faire irruption dans son œuvre avec cette œuvre-là, ce sujet-là et ses presque 900 pages ! Et bien, folie ou pas, l’essai est transformé !

Sale temps en Amérique pour les femmes et leurs libertés si chèrement acquises ; françaises, remercions encore et toujours Simone d’avoir tenu bon dans la tempête, et à ses successeurs d’avoir su pérenniser une loi sanctuarisé dans le temps ″ son application et surtout évité les hystéries outrancières qui ont cours aux USA pour un sujet qui au fond concerne l’intimité d’une femme et/ou d’un couple.

Parce que dans ce pays si prompt à défendre les libertés, on tue encore celles et ceux qui les appliquent.

Par un beau matin de novembre, le Dr Voorhees qui pratique des avortements croise le chemin de Luther Dumphy autoproclamé ″soldat de Dieu et résolu à venger ces bébés qui ne demandaient pas à mourir″. L’assassinat fera deux victimes immédiates : le médecin et un vigile. Mais en réalité, deux familles se relèveront difficilement de tout cela.

Il ne faudra jamais chercher la moindre position de l’auteur pour un camp ou l’autre. Car la réalité est infiniment plus complexe. Et c’est là tout l’intérêt de ce roman qui décortique les mécanismes d’une société -irrémédiablement- divisée sur le sujet, dans un pays officiellement laïc où la religion est omniprésente. Son Président prête serment sur la Bible, et sa monnaie affiche fièrement sa devise ″In God we trust  !

Joyce Carole Oates passe au peigne fin tous les personnages, cherche à expliquer du côté du meurtrier, autant qu’elle tente à comprendre le médecin idéaliste dans son aveuglement face aux dangers qu’encourraient sa famille.

Il n’y a pas un martyr, mais des martyrs qui ne sont pas forcément ceux que l’on croit.

Ce roman astucieusement et méthodiquement construit se révèle d’une grande intelligence jusqu’à son dénouement, surprenant, et laissant ainsi davantage de questions que de réponses. Tel n’était d’ailleurs pas la finalité de l’auteur.

Voilà assurément un grand roman, et pour moi une entrée plus que réussie dans l’abondante bibliographie d’une auteur que je relierai !


Un livre de martyrs américains de Joyce Carol Oates, traduit de l’américain par Claude Seban, aux éditions Philippe Rey (Septembre 2019 ; 860 pages)


Joyce Carol Oates est une poétesse, romancière, nouvelliste, dramaturge et essayiste américaine née à  Lockport, New York en1938.

Son père est dessinateur industriel et sa mère, femme au foyer. Sa grand-mère paternelle vit avec la famille et est très proche de Joyce, qui l'évoquera dans son roman "La Fille du fossoyeur" (The Gravedigger's Daughter, 2007).
Elle travaille pour le journal de son lycée, le Williamsville South High School, dont elle sort diplômée en 1956. Elle obtient alors une bourse pour l'Université de Syracuse et gagne, avec "In the Old World" (1959), le concours de la nouvelle universitaire organisé par le magazine Mademoiselle. Elle sort diplômée en 1960, puis obtient une maîtrise universitaire en Lettres de l'Université du Wisconsin à Madison en 1961.

Peu après, elle épouse Raymond J. Smith, un étudiant de la même université qu'elle qui deviendra professeur de littérature anglaise, puis rédacteur et éditeur. En 1962, le couple s'installe à Détroit, au Michigan où elle enseigne. En 1963, elle publie son premier recueil de nouvelles, "By the North Gate" et, en 1964, son premier roman "With Shuddering Fall". C’est le début d’une œuvre prolifique et riche.

Depuis 1963, Joyce Carol Oates a publié des romans, des essais, des nouvelles et de la poésie. Au total plus de soixante-dix titres. Elle a aussi écrit plusieurs romans policiers sous les pseudonymes de Rosamond Smith et de Lauren Kelly. Elle a figuré deux fois parmi les finalistes du prix Nobel de littérature.


4 commentaires:

  1. Comme toi je n'ai jamais lu Oates même si j'en ai envie depuis longtemps et comme toi ce roman sera ma première lecture. J'espère être aussi séduite !

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  2. J'en ai lu beaucoup, de Oates, au point de me lasser. Et de me méfier. Elle a des tics d'écriture qui m'agacent.
    Mais là figure toi que j'en suis à la page 250, bien accrochée. Je venais de lire Une étincelle de vie de jodi Picoult et craignais la similitude, mais pas du tout! Les deux sont bien (pour l'instant avec Oates)

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  3. Je viens de le terminer, quel pavé, tellement dense quand même (mais long)

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  4. Bon, soit blogspot bugue, soit? mais je reviens anonymement pour tenter de commenter.
    J'ai (enfin) terminé ce gros bouquin, un poil longuet quand même, mais qu'n ne lâche pas
    keisha

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