L’ouvrage dont il est question ici regroupe les deux derniers
volets des souvenir de déportation de Charlotte Delbo. Charlotte Delbo, c’est une voix
singulière dans le domaine. On n’entre pas si facilement que
cela dans ses textes. Son écriture est particulière, tout comme
sa manière d’aborder l’innommable.
De ce que j’ai pu lire sur la déportation, les écrits de
Charlotte Delbo sont nettement plus littéraires.
Une connaissance inutile, second volet est une juxtaposition de souvenirs plutôt axés
sur la vie courante au camp, sur des personnages que Charlotte
Delbo a côtoyés de près, sur des lieux, des sensations, des
objets. Un ensemble de textes assez courts ayant une portée
émotionnelle variable. Il n’y a pas de grandes démonstrations
dans le propos de l’auteur, mais plutôt une certaine froideur,
une retenue qui s’avère percutante.
Dans Mesure de nos jours, dernier volet, Charlotte Delbo
donne également la parole à ses compagnes de déportation sur la
question récurrente de l’ouvrage
Et toi, comment tu as fait ?
C’est, à mon sens, le plus fort et le plus émouvant des trois
ouvrages, parce qu’il est moins question de relater des faits
que de mettre en mots des ressentis. Il aborde également le
délicat sujet du retour des camps.
Une connaissance inutile et Mesure de nos jours : Auschwitz et après II, III de Charlotte Delbo aux éditions de Minuit (1970 et 1971 ,330 pages)
Charlotte Delbo
est née en 1913 à Vigneux-sur-Seine (Essonne), de parents
immigrés italiens. Après avoir suivi une formation de
sténodactylo, elle travaille à Paris comme secrétaire dès l’âge
de dix-sept ans. Elle adhère en 1932 au mouvement des Jeunesses
communistes. En 1934, elle rencontre Georges Dudach, communiste
engagé, très actif au sein du Parti, avec qui elle se marie en
1936. Un an plus tard, elle devient la secrétaire de Louis
Jouvet, alors directeur du théâtre de l’Athénée. Celui-ci
l’avait convoquée après la lecture d’un article sur le théâtre
qu’elle avait écrit pour Les Cahiers de la Jeunesse, dont Dudach
était le rédacteur en chef.
L’été 1941, Charlotte Delbo accompagne la troupe de l’Athénée
lors d’une tournée en Amérique du Sud. Georges Dudach, engagé
dans la Résistance intérieure, est resté à Paris. Elle décide de
le rejoindre dans la clandestinité, contre l’avis de Jouvet qui
la supplie de n’en rien faire. Charlotte regagne Paris et
retrouve son mari en novembre 1941. Ils vivent cachés, ne se
montrent jamais ensemble. Georges sillonne Paris, rencontre ses
contacts, transmet des informations pendant que Charlotte tape à
la machine des tracts et des journaux clandestins. Mais la
police déploie patiemment ses filets. En février 1942, de
nombreux membres de leur réseau de résistants communistes sont
pris en filature. Les arrestations se multiplient à la
mi-février : Georges et Maï Politzer, Danielle Casanova, Lucien
Dorland, Lucienne Langlois, puis André et Germaine Pican,
Jacques Decour… De filature en filature, l’étau se
resserre.
Georges Dudach et Charlotte Delbo sont arrêtés le 2 mars 1942
par les brigades spéciales de la Police française. Delbo est
emprisonnée à la Santé, où elle reverra son mari une dernière
fois, le 23 mai ; Dudach est fusillé le jour même au
Mont-Valérien. Transférée en août au Fort de Romainville, puis à
Compiègne, Charlotte Delbo quitte la France pour
Auschwitz-Birkenau le 24 janvier 1943, dans un wagon à bestiaux,
en compagnie de deux cent vingt-neuf autres femmes,
majoritairement engagées comme elle dans la Résistance.
Transférée à Ravensbrück au début de l’année 1944, elle est
libérée en avril 1945 après vingt-sept mois de déportation. Sur
les deux cent trente femmes du convoi de 1943, elles sont
quarante-neuf à rentrer. Quelques mois après son retour, dans
une maison de repos en Suisse, elle écrit dans un cahier Aucun
de nous ne reviendra qui deviendra, vingt-cinq ans plus tard, le
premier volume de la trilogie Auschwitz et après. À partir de
1947, elle travaille pour l’ONU à Genève. Elle réside douze ans
en Suisse avant de regagner Paris, où elle entre au CNRS en
1960, devenant l’assistante du philosophe Henri Lefebvre,
qu’elle avait rencontré en 1932. Elle termine sa carrière au
CNRS en 1978 et meurt en 1985, âgée de soixante-douze ans.
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