Il y a quelques années déjà, j’avais pris un réel plaisir à lire un roman autour de Richard Wagner. (ici).
Cette fois, Vincent Borel prend la place de Lully dans ces mémoires apocryphes de ce grand compositeur sous l’ère du Roi Soleil.
Si Lully est mort français, c’est sur les rives de l’Arno qu’il naît en 1632. Fils de meunier, il est remarqué par le Duc de Guise, et placé comme garçon de chambre chez la Grande Mademoiselle au Royaume de France. On sait peu de choses sur sa formation musicale, toujours est-il que son talent de violoniste et de compositeur en fera in fine le grand ordonnateur des fastes et divertissements de la cour de Louis XIV. D’abord compositeur de musique de ballet, puis de comédies-ballets avec Molière, un autre Jean-Baptiste, pour obtenir du Roi le monopole de la composition lyrique. Il lui faut tout simplement s’adapter aux goûts du Roi dont on suit l’évolution personnelle et politique.
Au-delà de la réelle et passionnante découverte de ce que fût le talent du compositeur, ce livre nous fait entrer dans l’intimité de Lully, et par ricochet des mœurs d’une époque : débauche, liberté sexuelle à peine cachés, mais sans grande ostentation pour sauver les apparences.
Sans surprise on y croise les grands personnages de l’époque, les grands évènements, toujours avec le souci du détail et de la justesse historique.
Vincent Borel choisit une écriture qui colle au style de l’époque. Il surprend et rebute un peu au début, puis se laisse apprivoiser sans problème pour donner à l’ouvrage toute sa cohérence.
« La confiance que j’avais en mon talent devint sidérante. »
Il y montre un Lully orgueilleux, sensuel, provocateur, ambitieux, créatif et extrêmement talentueux. On y croise également le chemin d’un autre compositeur majeur de l’époque, accessoirement son amant, Louis Couperin, bien qu’il fût marié pour le « qu’en dira-t-on… »
Et parce que l’ascension s’essouffle inévitablement, c’est l’influence croissance de la Maintenon qui aura raison de celle de Lully.
Voilà un bel ouvrage, d’une facture originale sur l’un de nos compositeurs majeurs.
Baptiste de Vincent Borel, chez Sabine Wespieser (Août 2002, 550 pages), disponible en poche chez Points (Août 2010,512 pages).
Né à Gap en 1962, Vincent Borel hérite de son grand-père, républicain espagnol et mélomane, sa passion pour l’opéra. Étudiant en khâgne, puis en lettres à l’université d’Aix-en-Provence, il hante les coulisses du festival d’Art lyrique et fait de la figuration dans plusieurs opéras.
En 1985, il arrive à Paris où, enchaînant les petits boulots le jour, dont celui d’aide-soignant, il découvre la nuit parisienne, les raves, la techno, la trance. Cette expérience donnera lieu à l’écriture de son premier roman, Un ruban noir (Actes Sud, 1995).
Il entre rapidement comme journaliste à 7 à Paris, puis rencontre en 1988 Jean-François Bizot, qui l’embauche à Actuel et qu’il suivra à Nova Mag, avant de devenir lui-même, en 1998, rédacteur en chef du magazine pendant cinq ans.
1998 est aussi l’année de publication chez Actes Sud d’un récit autobiographique, Vie et mort d’un crabe.
À partir de 1999, Vincent Borel se plonge dans les XVIe et XVIIe siècles avec un projet de transcription de la Bible de Lefèvre d’Étaples, d’innombrables lectures et, toujours, sa passion du baroque nourrie par un goût immodéré pour les musiques du Grand Siècle. Il publie en 2002, chez Sabine Wespieser éditeur, un roman inspiré de la vie du compositeur Jean-Baptiste Lully, Baptiste, qui bénéficie d’une très bonne réception critique et obtient, en 2003, le prix des Muses catégorie récit.
Suivent, en 2004 et 2006, Mille regrets – roman picaresque qui déjouait les intégrismes dans un XVIe siècle mondialisé – et Pyromanes, toujours chez Sabine Wespieser éditeur.
Il entre en 2005 à France musique comme chroniqueur – il occupera ce poste jusqu’en 2011 –, et collabore régulièrement à Classica, Opéra magazine et Géo.
En 2010, paraît Antoine et Isabelle, dans lequel il allie, avec une grande maîtrise, roman familial, fresque historique et questionnements contemporains. Ce sixième roman – le quatrième chez Sabine Wespieser éditeur – figure sur la première liste du Goncourt et reçoit la même année le prix Laurent Bonelli (Lire & Virgin Megastore) et le prix Page des libraires. Cette immersion dans la mémoire familiale et l’histoire de ses grands-parents républicains pousse également Vincent Borel à demander – et obtenir – la nationalité espagnole.
Il écrit Richard W. (Sabine Wespieser éditeur), un roman inspiré de la vie de Richard Wagner, en 2013, année du bicentenaire de la naissance du compositeur.
En 2014, il fait ses premiers pas dans l’audiovisuel en devenant l’auteur de « 10 Destins », une application multimédia de la série Apocalypse 1914-1918, produite par France Télévisions.
Son huitième roman, Fraternels, qui explore le monde contemporain, paraît chez Sabine Wespieser éditeur en août 2016.En octobre 2018, en même temps qu’une réédition dans la collection SW POCHE, vingt ans après sa première parution chez Actes Sud, de Vie et mort d’un crabe (précédé de « ADN chromatique », préface à l’édition 2018) – deuxième livre, autobiographique, de Vincent Borel –, paraîtra La Vigne écarlate, où l’auteur renoue avec sa veine musicale pour écrire un formidable portrait – bref, syncopé et plein d’humour – de l’obsessionnel Anton Bruckner, auteur de onze symphonies et précurseur de la modernité viennoise
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