dimanche 3 octobre 2021

S'adapter

 

Dans la famille, ils sont quatre enfants. Il y a l’ainé, la cadette, et bien plus tard, le dernier, et juste avant l’enfant. L’enfant est venu au monde handicapé ; on lui prédit une courte vie. Chacun s’adapte, comme il peut, avec ses moyens, en fonction de sa place dans la famille.

Ce sont les pierres autour de la maison familiale qui vont raconter, selon 3 points de vue, la relation de chacun des membres de la fratrie avec l’enfant qui ne voit pas, ne tient pas sa tête, voit son corps se déformer à mesure qu’il prend de l’âge.

L’ainé, est vrai seconde mère pour l’enfant ; il le protège, le câline, le promène. Il a peu d’ami, va se construire une carrière professionnelle brillante, mais en oubliera sa vie personnelle.

La cadette, à contrario, est dans la colère, dans le rejet de ce frère pas comme les autres. Elle vit mal les perturbations auxquelles sont soumises chacun des membres de la famille. Elle choisira d’ailleurs de s’exiler, ne revenant que sporadiquement au bercail.

Moi la cadette, je m’oppose sans cesse. Je cogne et je crie à la révolte contre le destin, je n’entends pas que les forces en présence soient inégales, je serai perdante, mais je m’obstine à rejeter. Je suis un refus à moi toute seule.

Et puis, il y a le dernier. Il n’a jamais connu l’enfant. Il est né des années après son décès, dans l’ombre de l’enfant disparu. Il sera l’objet de de nombreuses angoisses parentales. Les deux premiers volaient presque de leurs propres ailes. Il appelait l’enfant son ‶presque moi ″. Son ombre planait dans la famille. Serait-il né si l’enfant n’était pas mort ? Est-il l’enfant consolateur ?

Le dernier n’était pas seul. Il le savait. Il était né avec l’ombre du défunt. Cette ombre ourlait sa vie. Les absents étaient aussi des membres de la famille.

Ce livre m’a littéralement transportée. D’un sujet grave et infiniment triste, Clara Dupont-Monod est parvenue à écrire un texte lumineux, poétique, délicat, plein de grâce et de bienveillance. Judicieusement construit, impeccablement calibré, il en dit juste assez, sans se faire trop bavard, ni redondant. Ce texte est d’une rare puissance, et d’une grande justesse. Il montre l’ambivalence des sentiments et des comportements lorsqu’une famille se trouve confrontée à l’arrivée d’un enfant handicapé. Le texte montre qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réactions ; chacun a sa propre humanité, et la gère comme il peut.

S’adapter de Clara Dupont-Monod chez Stock (Août 2021, 200 pages)

Clara Dupont-Monod (1973) possède une formation littéraire. Elle a fait khâgne au lycée Fénelon et a obtenu une licence de lettres modernes à la Sorbonne où elle découvre le vieux français, matière dans laquelle elle décroche une maîtrise. Elle débute sa carrière de journaliste au magazine Cosmopolitan puis entre comme grand reporter à Marianne à seulement 24 ans.

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