jeudi 28 avril 2022

A la ligne: feuillets d'usine

 


Ce roman a eu dès sa parution un très grand succès à la faveur d’un bouche- à -oreille efficace. Le succès du roman tenait autant de son originalité stylistique que de la personnalité attachante de son auteur.

Joseph Ponthus, travailleur social de formation, se voit accepter des missions d’intérim dans l’industrie agro-alimentaire, à défaut de pouvoir trouver dans son domaine suite à une mutation de son épouse.

″L’usine c’est pour les sous

Un boulot alimentaire ″

De ses deux expériences du travail en usine, à la chaine, l’auteur en tirera un récit original, en vers libres, sans ponctuation, où chaque phrase est à la ligne de la précédente.

Il y décrit sans complaisance, avec réalisme, colère parfois, la dure réalité de ses travailleurs invisibles dont pour la grande majorité d’entre eux, c’est la seule issue pour gagner ″dignement, autrement dit par le travail, de quoi subsister. Joseph Ponthus a conscience que tout cela peut n’être que transitoire, alors que pour ses camarades de la chaine, il n’y a rien d’autre à l’horizon que les carcasses de bœufs à remuer jours après jours, ou les caisses de poissons à soulever inexorablement.

Joseph Ponthus a une âme de poète. Pour supporter l’absurdité des gestes répétitifs, le poids des charges, le froid, et les douleurs du corps, il convoque ce qui lui a nourri jusqu’à maintenant l’âme et a embelli sa vie : la littérature la poésie, la chanson, l’amour de sa femme adorée.

Mais Trenet

Trenet me sauve le travail et la vie tous les jours que l’usine fait

Sans lui sans son absolu géni

Je suis sûr que je n’aurais pas tenu

Que je ne tiendrais pas ″

Ce livre scande la souffrance d’un monde ouvrier qui travaille dur pour peu. Il dit la solidarité, la fraternité ouvrière.

Joseph Ponthus ouvre avec élégance, style et originalité une fenêtre sur un monde caché.

J’avais volontairement zappé l’emballement éditorial pour ce récit, j’ai aussi laissé retomber l’émotion compréhensible que le décès précoce de l’auteur a suscité. Avec le recul, je m’en félicite ; j’ai pu l’apprécier à sa juste valeur alors que plus personne ou presque n’en parle.

A la ligne : feuillets d’usine de Joseph Ponthus, aux éditions de la table ronde (Janvier 2019,272 pages ; Août 2020, pour l’édition de poche) 

Joseph Ponthus-Le Gurun est un écrivain français né à Reims en 1978.

Après des études de littérature à Reims et de travail social à Nancy, il a exercé plus de dix ans comme éducateur spécialisé en banlieue parisienne où il a notamment dirigé et publié "Nous... La Cité" (Éditions Zones, 2012).

Il chroniquait également, jusqu’en 2015, le quotidien de sa vie "d’éducateur de rue" dans le journal libertaire Article 11.

Ancien ouvrier dans le secteur alimentaire, Joseph Ponthus a écrit son premier roman, un livre sans ponctuation qui se lit comme un long poème témoignant du quotidien à l'usine, de la pénibilité du travail et des divagations induites, intitulé "À la ligne" (2019).

Joseph Ponthus-Le Gurun remporte le Grand Prix RTL-Lire 2019 pour "À la ligne" (Éditions La Table Ronde).

Il vivait et travaillait en Bretagne. Il est décédé d'un cancer généralisé le 24 février 2021.

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