″Je me suis habitué à la peur, à la solitude, au manque, je ne me plains pas, j’ai appris à avaler en silence le poison qui est dans le miel. L’une des nombreuses leçons que j’ai reçues de Madame Hayat. ‶
Istanbul de nos jours…
Fazil, le narrateur, est jeune, intelligent ; il est le fils d’une famille aisée d’agriculteur. Du jour au lendemain, la famille est ruinée faute de pouvoir commercialiser leurs productions, le père décède laissant Fazil seul face à se vie étudiante dont il devra assumer seul les dépenses. Il étudie la littérature, sans trop savoir s’il souhaite devenir écrivain, ou critique littéraire.
Fazil, se retrouve dans une pension ù il croise des gens comme lui confrontés aux difficultés de tout ordre. Pour agrémenter son quotidien, Fazil s’engage comme figurant dans une émission de télévision. C’est là qu’il rencontre Madame Hayat, beaucoup plus âgée que lui, d’un tempérament radicalement différent de lui, et qui le prend sous son giron dans une forme d’initiation au passage à la vie adulte. Contre toute attente, Fazil tombe amoureux de Madame Hayat.
Notre étudiant lettré et romantique à ses heures, n’en est pas moins sensible à la jeunesse et à la beauté de Sila, intellectuellement sur le même fil que lui.
Dans cette grande ville dont on imagine à la fois le bouillonnement, et la contraction progressive causée par un régime autoritaire qui se fait de plus en plus oppressant, Fazil ne peut choisir. Chaque femme est assez différente pour y puiser en de multiples influences, et lui offrir un double regard sur la vie.
La recherche de la liberté, est le fil conducteur de ce roman écrit alors que son auteur était en prison ! L’auteur nous donne à lire une critique en filigrane des dérives autoritaires du pays.
La liberté politique que réclame avidement les milieux étudiants, et ouvriers ; la liberté de pouvoir quitter un pays en qui la jeunesse ne croit plus, la liberté d’aimer sans avoir à choisir.
J’ai beaucoup aimé le personnage solaire de Madame Hayat, qui sans en avoir l’air a donné à Fazil la force et la résistance ; elle a fait de lui un Homme, en ayant l’extrême élégance de s’effacer en silence.
Madame Hayat s’apprivoise lentement. J’ai souvent pensé qu’il ne se passait pas grand-chose, qu’il s’agissait d’un banal plan double…Ahmet Altan au fil de son ouvrage a su déjouer mes réticences aux deux tiers du texte qui m’est soudainement apparu comme un très beau roman d’apprentissage. Son écriture est soignée, recherchée, poétique parfois.
Madame Hayat d’Ahmet Atlan, traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes aux éditions Actes Sud (Septembre 2021, 272 pages)
Né en 1950, Ahmet Altan est aujourd'hui l'un des écrivains les plus brillants de Turquie et a publié six romans et deux essais qui l'ont rendu célèbre et indépendant. "Comme une blessure de sabre", publié en 1998, s'est vendu à 150.000 exemplaires ; et "Histoires dangereuses", publié en 1995, à 250.000 exemplaires.
En plus d'être romancier et essayiste, il est également rédacteur en chef du quotidien Taraf jusqu'au 15 juillet 2016 date de la tentative de coup d'état avortée en Turquie. Il fait partie de la vague d'arrestations, au lendemain de cette tentative de putsch, avec d'autres fonctionnaires, enseignants, militaires et journalistes.
Il est accusé d'avoir appelé au renversement du gouvernement et est condamné, arbitrairement, à perpétuité.
Il a été libéré le 14 avril 2021.
Lecture commune avec Jostein
Une très belle lecture pour initier ce printemps de la littérature turque. Merci pour cette lecture commune
RépondreSupprimerBonsoir, j'ai adoré cette lecture. J'avais choisi de lire ce livre rien que pour la couverture qui m'avait plu. Un très beau roman. Bonne soirée.
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