dimanche 30 octobre 2022

Les enfants endormis

C’étaient les années SIDA……

Voilà un singulier roman (premier qui plus est), qui s’organise sur deux plans distincts en alternance.

Antony Passeron raconte l’histoire de sa famille ; celle d’honnêtes bouchers de l’arrière-pays niçois qui à force de travail s’élèvent génération après génération, et en particulier celle de son oncle, Désiré, celui qui a mal tourné, pioche dans la caisse pour s’en aller s’encanailler dans les rues d’Amsterdam. Désiré était l’ainé, et « au premier des fils, il incombait de montrer l’exemple, de suivre le chemin des parents, d’honorer ce nom ; que ses ancêtres s’étaient efforcés de porter haut dans toute la vallée. » Il mourra à la trentaine du SIDA au sein d’une famille qui tout en sachant, reste dans le déni, pour des raisons intrinsèques liées au fonctionnement et à l’éducation de cette famille et pour des raisons liées à l’époque.

Ce sont ces raisons historiques qui sont l’objet du second aspect de ce roman. En effet Antony s’attache à retracer de manière méthodique et compréhensible l’histoire de cette maladie dont les débuts se résumaient à la réapparition mystérieuse de pneumocystoses dans les milieux gays. Il y a quarante ans, avoir le SIDA était synonyme de mort ; mort physique, et surtout mort sociale. Il s’agissait d’une maladie honteuse, que l’on associait, d’abord à un mode de vie. Avoir dans sa famille un membre qui en était atteint était une honte, vous assignait à la solitude, au silence aux regards suspicieux, à la colère intérieure ; autrement dit à l’infamie et la honte.

Antony Passeron déroule également l’aventure scientifique menée par de jeunes médecins et biologistes lancés dans une course contre la montre pour identifier l’agent causal de la maladie, les modes de transmission, et pour mettre au point pas à pas des traitements, et la mise au point d’un vaccin. Cette partie-là m’a particulièrement intéressée, parce que je l’ai trouvée très claire, non partisane, et puis osons le dire, les scientifiques français se sont particulièrement illustrés.

Antony Passeron, dans ce premier roman, rend à son oncle sa place au sein de sa famille, il le sort de l’oubli ; il dénonce par ailleurs tout ce qui tourne autour du trafic de drogue, des filières d’approvisionnement ; au bout de tout cela il y a des hommes et des femmes qui tombent dans la toxicomanie ; dans les années 80, les usagers ont payé un lourd tribu quand ils s’échangeaient hardi petit les seringues dont on apprit plus tard le rôle dans la transmission du virus.

J’ai apprécié la sobriété de cet opus, et la force qu’il s’en dégage pour décrire à la fois un drame intime, familial, et mondial.

Les enfants endormis d’Antony Passeron, aux éditions du globe (Août 2022, 280 pages)


Anthony Passeron est né à Nice en 1983. Il enseigne les lettres et l’histoire-géographie dans un lycée professionnel. Les Enfants endormis est son premier roman.

 

1 commentaire:

  1. un très bon premier roman alors? Je l'avais déjà repéré, tu confirmes...

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