J’ai rarement ressenti autant de sentiments différents en lisant un livre. Houris, est de ces ouvrages qui ne laisse pas indifférent, pour lequel on ne peut avoir d’avis tranché. Bref, une littérature complexe qui vient du fond des tripes de son auteur.
Kamel Daoud, qui vit maintenant en exil en France, a choisi, à l’encontre des lois algériennes, de nous parler de la décennie noire, cette guerre civile que tout le monde veut oublier, et qui fit tant de morts, au nom de la cause islamiste
Art. 46 – Est punie d'un emprisonnement de trois (3) ans à cinq (5) ans et d'une amende de 250000 DA à 500000 DA quiconque qui, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l'État, nuire à l'honorabilité de ses agents qui l'ont dignement servie, ou ternir l'image de l'Algérie sur le plan international.
Aube en est une de ses victimes. Égorgée il y a vingt ans, comme ses parents et sa sœur qui eux sont morts, il ne lui reste que son « sourire » de part et d’autre des oreilles. Elle ne parle plus. Enceinte, elle s’adresse à l’enfant qu’elle porte et dont elle ne veut pas. Aube retourne là où elle est née, à la recherche de son passé, pour comprendre.
Complexe, parce que d’une partie à l’autre, Kamel Daoud change de plus en plus souvent de narrateur, mélange les époques, met en scène des personnages que l’on peut avoir du mal à situer. Il m’a souvent perdue, mais à chaque fois retrouvée, et remise sur le chemin grâce à sa maîtrise si particulière de la langue et du style. Des pauses peuvent être nécessaires pour mener à bien cette lecture exigeante, pour digérer les images qui défilent dans notre esprit, et évacuer la révolte qui gronde en en soi.
L’ouvrage est marquant pour le courage qu’a l’auteur de briser l’omerta de son pays. Je reconnais le travail littéraire incontestable.
Ce livre m’a-t-il plu ? Je n’en sais rien. Je l’ai lu avec plaisir dans sa première partie, avec difficulté pour la seconde, et un peu d’impatience pour la troisième dont l’issue faute de pouvoir être joyeuse, s’avère néanmoins lumineuse.
Houris est le lauréat du prix Landerneau des lecteurs 2024. Bien qu’il ne fût pas mon premier choix, j’étais ravie du résultat. Mr Daoud nous a offert, 2h de son temps pour une conversation intime chaleureuse et enrichissante. Un moment d’une rare intensité !
Houris de Kamel Daoud aux éditions Gallimard (Août 2024, 415 pages)
J'adore l'entendre parler ! Je me retrouve tellement dans ton billet, j'ai adoré certains passages d'une fulgurance et d'une force incroyables, d'autres beaucoup moins, d'autres m'ont complètement perdue... L'auteur a du talent, certes, mais se dire que ce roman sera sous pas mal de sapins, lu par des gens qui lisent peu... je crains le pire ;)
RépondreSupprimerBonjour, j'ai aimé sans réserve ce beau et courageux roman même si je peux comprendre, comme tu l'as précisé dans ta belle critique, que son style, surtout, plus que sa structure, soit un peu difficile à appréhender: https://www.senscritique.com/livre/houris/critique/309609355
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