Après
le magnifique convoi de l’eau, j’avais
très envie de revenir à Akra Yoshimura. Ici dans un registre radicalement
différent, nous pénétrons de plein fouet dans un Japon en pleine déroute
militaire. Nous sommes en 1945, les américains choisissent l’archipel d’Okinawa
comme porte d’entrée pour donner l’assaut final, et mettre à genoux un Japon plus
téméraire que jamais.
Téméraire
au point d’envoyer ses enfants au sacrifice ultime. C’est l’un d’eux que nous
suivrons au bout de l’enfer des combats, des bombardements, au milieu des
restes humains, de la désolation d’une île ravagée par la folie guerrière de
tout un peuple.
Akira
ne s’embarrasse pas du superflu pour décrire l’enrôlement d’une jeunesse
aveuglée, prête à tout pour défendre un pays au cours d’un conflit dont elle ne connait
absolument rien.
Combattre
jusqu’à la mort, tel est l’objectif unique, la seule raison de ces gamins à
peine sortis de l’enfance.
« Qu’il soit mort
ne changeait rien. Shinichi et son camarade avait assimilé la règle selon
laquelle un soldat se borne à exécuter les ordres et à ne prendre aucune
initiative. »
« Vous allez donner
votre vie pour la défendre ( l’île) , animé par l’esprit du sacrifice pour le
pays des dieux. »
Cette
vision, ce jusqu’au boutisme sont assez difficilement compréhensibles au regard de notre culture occidentale. Malgré
cela, la dimension de courage qui inonde ces s prend le dessus à de nombreux
moments. Et l’on se prend, finalement, à poser sur eux un certain regard
compatissant. Ils n’avaient pas le choix. Ils ont été éduqués dans ce sens- là ;
aucun échappatoire possible.
D’autant
que le sentiment de culpabilité ne les épargne pas lorsqu’ils sont confrontés à
la mort de leur camarade. « L’idée
que cet enfant était mort parce que lu était encore en vie l’envahit. »
« La tristesse d’avoir
échappé à la mort le submergea. Qu’avait été la guerre pour lui qui n’avait pas
tiré un seul coup de feu, ni lancé une
seule grenade, ni même subi une seule blessure ? Rien, sinon une errance
sur le champ de bataille ? »
Ce
roman est court, mais terriblement intense tant par le style épuré, direct et
sans équivoque, que par la description des faits et situations prouvant une
grande recherche en amont de la part de l’auteur.
Akira
Yoshimura, pour la seconde fois a su m’interpeller, et m’émouvoir. Nul doute que je continuerai
explorer à mon rythme son œuvre.
Mourir pour la patrie, Akira Yoshimura
Actes Sud, Janvier 2014
175 pages
4ème de
couverture :
Shinichi
Higa a quatorze ans quand il est enrôlé dans le bataillon de la première école
secondaire d’Okinawa tout comme les mille sept cent quatre-vingts élèves des
écoles secondaires de cet archipel situé à environ cinq cents kilomètres au sud
de Kyūshū. Nous sommes le 25 mars 1945, Shinichi Higa fait partie des plus
jeunes soldats de l’armée régulière prêts à verser leur sang pour l’empereur.
Mais Shinichi est heureux de défendre sa patrie.
Sa
seule angoisse est de mourir avant même d’avoir fait son devoir. Car il s’agit
pour lui de tuer au moins dix soldats ennemis. En attendant, Shinichi accomplit
les tâches qui lui sont confiées. Il transporte des corps d’un lieu à l’autre,
vers ces hôpitaux de fortune où les blessés et les morts sont si nombreux qu’il
n’est plus envisageable de soigner les nouveaux arrivants. Shinichi se déplace
en permanence, il résiste malgré la peur. Au-delà de l’horreur il se cache et
survit habité par le désir de se battre. Mais très vite il perd son unité et,
séparé des autres, se retrouve seul face à la guerre.
A propos de l’auteur :
Akira
Yoshimura (1927-2006) a laissé une œuvre considérable qui a marqué de son
empreinte la littérature japonaise contemporaine. Ses ouvrages traduits en
français sont publiés aux éditions Actes Sud. Récemment parus : Voyage vers les
étoiles (2006),Le convoi de l’eau (2009), Le Grand Tremblement de terre du
Kantô (2010) et L'Arc-en-ciel blanc (2012)
Et "La jeune fille suppliciée sur une étagère" une nouvelle magistrale, à ajouter à votre PAL
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